Décryptage
Texte: Audrey Magat
Photo: Gilles Weber

En simulation d'urgence

Le service des urgences organise depuis 2012 des formations sur mannequin durant lesquelles les équipes reproduisent des situations réelles. Objectif : renforcer la cohésion dans un contexte où chaque minute compte.

Un homme de 65 ans arrive aux urgences. Il a perdu connaissance dans son appartement, et se plaint de douleurs thoraciques. À son arrivée aux urgences, son rythme cardiaque s’est déjà emballé, sa tension chute, puis son cœur s’arrête. Un massage cardiaque est entamé, l’adrénaline injectée, les voies aériennes sécurisées. Il va survivre. Ce patient est en réalité un mannequin-simulateur ultra-sophistiqué. Depuis 2012, le Service des urgences propose des journées de formation au déchoquage, c’est-à-dire des situations nécessitant une prise en charge immédiate, comme dans le cas d’un arrêt cardiaque, de traumatismes graves ou encore de détresse respiratoire sévère.

Appelées formation « advanced life support » (ALS), ces simulations – issues à l’origine du monde de l’aviation – confrontent des médecins et des infirmierères à des scénarios d’urgence vitale. « En prenant le temps d’analyser leur comportement dans des situations critiques, les équipes s’améliorent sur le plan médical et infirmier mais entraînent aussi des aspects essentiels, comme la communication, le leadership et la gestion d’équipe », explique Nicolas Beysard, médecin associé aux urgences du CHUV et formateur. Au total, près de 1000 personnes ont participé à une simulation depuis la création de cette formation.

1/ Se rapprocher de la réalité Les formateurs et formatrices préparent différents scénarios d’urgence. Les mannequins sont habillés, coiffés, maquillés de sang ou de vomi selon la situation. « Le problème est que nous ne disposons dans notre service que de mannequins d’hommes caucasiens d’âge moyen, nous devons donc nous organiser pour les adapter », précise Nicolas Beysard. Ultra- technologique, le mannequin a un pouls qui évolue et peut exprimer des sons, à l’aide d’un micro contrôlé par le·la technicien·ne.

2 /Mise en situation Quatre scénarios de vingt minutes, suivis chacun d’un débriefing de quarante-cinq minutes sont répartis sur la journée. Ces formations ont lieu deux fois par mois sur dix mois. Dans la salle, les masques à oxygène côtoient les diverses sondes, le défibrillateur et de réelles armoires à pharmacie. La prise en charge ne doit pas excéder trente minutes.

3/ Suivre le rythme L’équipe, de sept personnes au minimum, se compose de médecins des urgences et des soins intensifs, d’infirmiers et d’infirmières. D’autres spécialistes, par exemple venus de l’orthopédie ou de l’anesthésie, peuvent se rajouter au besoin. Chaque situation est menée sous la direction d’un « leader », généralement le ou la médecin. Véritable chef·fe d’orchestre, son rôle est d’indiquer quels gestes appliquer, ou quels médicaments donner.

4/ Travail d’équipe Chaque membre de l’équipe doit coller une étiquette indiquant son prénom et sa fonction. « Nous sommes trop nombreux pour tous nous connaître, explique Yves Lemaire, infirmier responsable des simulations médicales. S’adresser à quelqu’un par son prénom crée une proximité favorable à la cohésion d’équipe. »

5/ Complications en direct Depuis la salle de pilotage, l’équipe qui s’occupe de l’évaluation observe la prise en charge. Ils peuvent modifier les paramètres vitaux du mannequin, en provoquant par exemple un arrêt cardiaque ou un retour à un rythme stable, selon les décisions prises par l’équipe soignante.

6/ Concentration palpable La tension et la concentration sont à leur comble. Hormis les sons des machines, les équipes travaillent dans le calme. Leurs gestes sont précis. Elles sont rapidement immergées dans la simulation. Oubliant le mannequin, l’équipe identifie les organes vitaux menacés, entame un massage cardiaque. L’enjeu de survie, même simulé, est omniprésent.

7/ Maintenir les échanges La communication est essentielle dans les situations d’urgence. Il faut donc s’assurer d’être entendu·e, « de fermer les boucles », précise le médecin cadre. « Autrement dit, de répéter l’ordre donné afin de confirmer qu’il a été compris. » Durant l’intervention, le leader résume ainsi plusieurs fois la situation et fait le point sur les données vitales.

8/ Retour d’expérience Au débriefing, toutes les personnes livrent leurs impressions. L’équipe de formation les aiguille afin qu’elles posent un regard critique sur leur propre expérience. « C’est plus instructif de constater soi-même ses faiblesses », précise la formatrice Marie Guinat, cheffe de clinique aux soins intensifs. Les journées de simulation ne sont pas des évaluations. « Les participant·e·s doivent agir comme à leur habitude pour repérer les mauvais réflexes, les soucis de communication. » L’interdisciplinarité de cette simulation permet aussi de poser un autre regard sur les métiers et responsabilités de chacun·e.



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