Parole d'expert
Photo: Jeanne Martel - Service d'appui multimédia (SAM)

Voyager au bout de la «nuit»

HypnoLaus s’est penchée sur les nuits de plus de 2’000 personnes. Les premiers résultats de l’étude révèlent une prévalence de l’apnée du sommeil supérieure aux estimations.

Depuis 2009, HypnoLaus a recueilli plus de 2’000 échantillons de données sur le sommeil de participants non-sélectionnés âgés de 40 à 80 ans. La cohorte a été équipée de capteurs cérébraux et de mouvements. Les informations sur le sommeil de ces volontaires ont été récoltées lors de nuits dans un laboratoire, puis à leur domicile. «La médecine du sommeil est une science récente, explique Raphaël Heinzer, directeur du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) et investigateur principal de l’étude. Pour saisir et surtout définir les normes du sommeil, il était nécessaire de recueillir des données brutes et actualisées dans la population générale.»

Les premiers résultats ont démontré une fréquence importante des troubles du sommeil. En effet, près de la moitié des hommes et environ un quart des femmes étudiées souffrent notamment d’apnée du sommeil.

Ce syndrome est caractérisé par des obstructions répétées des voies aériennes supérieures. «Ces résultats donnent de nouvelles indications sur les troubles du sommeil au sein de la population. Parmi les sondés, tous n’ont pas besoin d’être traités, souligne Raphaël Heinzer. Avec ces données, nous avons pour objectif de trouver des indicateurs nous permettant d'identifier ceux et celles qui risquent de développer des complications liées aux apnées du sommeil.»

«Power naps» en conditions extrêmes

En marge de l’étude HypnoLaus, les chercheurs du Centre d’investigation et de recherche sur le sommeil (CIRS) se sont penchés sur l'influence des conditions géographiques sur le sommeil. En travaillant au contact du navigateur en solitaire Eric Llull et des pilotes de Solar Impulse, André Borschberg et Bertrand Picard, dans un simulateur, ils ont mesuré l’impact d’un sommeil polyphasique – où le temps de sommeil est réparti en plusieurs phases et non en une seule «nuit»– sur les performances. «Au lieu de dormir d’une traite, ils ont dormi en tranches courtes de de 20 à 30 minutes réparties sur 24 heures, explique Raphaël Heinzer. En suivant ce rythme, les sportifs ont gardé les mêmes réflexes, sans subir ce que les professionnels nomment une dette de sommeil – qui correspond à un cumul de manque de sommeil – ou des perturbations de l’horloge biologique. Ces indications sont importantes, notamment pour d’éventuelles applications à des travailleurs de nuit.»

D’autres études du CIRS ont permis d’étudier le sommeil à très haute altitude. Au-dessus de 3000 mètres, les chercheurs ont découvert de hautes fréquences d’apnée du sommeil. Alors qu'en plaine, ce syndrome est causé par une obstruction anatomique, les apnées d’altitude sont provoquées par le cerveau, qui ne transmet plus l’ordre de respirer. «Et ce phénomène ne concerne pas uniquement les touristes ou les alpinistes, mais également les locaux», précise Raphaël Heinzer, puisque des paysans boliviens, par exemple, sont aussi concernés.



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