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Texte: Elena Martinez/IHM

Les femmes ont fait évoluer les sciences médicales

RECHERCHE Dans ce « Labo des humanités », In Vivo vous fait découvrir un projet de recherche de l’Institut des humanités en médecine (IHM) du CHUV et de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL.

Les recherches sur les rapports entre science et genre constituent aujourd’hui une discipline académique à part entière, mettant en lumière les réalisations scientifiques des femmes, les obstacles qu’elles ont rencontrés et les stratégies qu’elles ont mises en œuvre pour que leur travail soit reconnu par leurs pairs.

Aude Fauvel participe à ce mouvement, avec un regard original. « Qu’est-ce que les femmes font à la science ? Quelles innovations qualitatives les chercheuses apportent-elles à la recherche et au savoir ? » se demande-t-elle.

Parmi les obstacles que les femmes ont rencontrés, il y a l’effet Matilda : il s’agit du biais qui consiste à attribuer une découverte scientifique a priori plutôt à un homme qu’à une femme, accompagné du déni ou de la dévalorisation des contributions féminines. Cet effet a été nommé ainsi en référence à la militante féministe américaine du XIX siècle Matilda Joslyn Gage, qui avait remarqué que des hommes s’attribuaient les pensées intellectuelles des femmes. De nombreuses oubliées de la science en ayant souffert sont aujourd’hui réhabilitées : Lise Meitner (physicienne, découvre la fission nucléaire), Rosalind Franklin (biochimiste, découvre la structure de l’ADN), Marietta Blau (physicienne, invente des techniques en radiographie).

« En Suisse, nous dit Aude Fauvel, on sait peu de choses sur la façon dont les femmes ont contribué à la médecine et à la science, alors même que la Suisse a été pionnière en étant le premier pays à ouvrir les portes de ses universités aux femmes. Il faut savoir qu’en 1900, il y avait plus de femmes (la plupart étrangères) que d’hommes dans toutes les facultés médicales helvétiques. Qu’ont-elles fait ensuite ? L’histoire est peu bavarde sur ces questions. »

Pourtant, les premières femmes médecins souhaitaient démontrer qu’un regard féminin était déterminant pour faire évoluer la discipline médicale. Leur influence dans les domaines de la gynécologie-obstétrique et de la pédiatrie fut primordiale. Elles investirent aussi d’autres champs dans lesquels la médecine, auparavant essentiellement exercée par des hommes, s’était encore peu développée : compréhension de la sexualité et du plaisir féminins, santé publique, littératie en santé et prévention, etc.

Pour ne prendre qu’un exemple, Anna Fischer-Dückelmann, formée en Suisse, écrivit en 1901 un ouvrage pionnier – Die Frau als Hausärztin – qui couvre une multitude de sujets de santé publique et de médecine de famille, réédité jusqu’en 1993, traduit dans une douzaine de langues, et vendu à des dizaines de millions d’exemplaires. Elle eut un impact central sur la santé des Européennes et cependant son nom n’apparaît dans aucun livre d’histoire de la médecine.



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Aude Fauvel

Historienne de la médecine et maître d’enseignement et de recherche a l’IHM.

Pour en savoir plus : Quand la Suisse était « féministe » : une petite histoire de la féminisation de la médecine a la Belle Époque, par Aude Fauvel, Lucie Begert, Izel Demirbas, Revue Médicale Suisse, N° 7442, juin