Prospection
Texte: paul favre

Covid-long : le préjudice du doute

Infecté par le Covid-19, Paul*, employé du Service de communication au CHUV a subi, comme de nombreuses personnes, les symptômes de la version longue de la maladie. Entre doutes paralysants et capacités réduites, son expérience fait écho aux contours flous qui entourent encore cette maladie. Témoignage.

C’est avant tout une fatigue qui persiste, puis des symptômes divers, allant des difficultés respiratoires aux pertes de goût et d’odorat, en passant par des douleurs inconnues. Deux ans après l’émergence mondiale du covid, 39% des adultes qui ont été atteintes par le virus souffrent d’une forme longue de la maladie, d’après une étude menée par l’Université de Genève. Entre incompréhension et efforts de rémission, un collaborateur du CHUV partage son expérience personnelle.

Mardi matin, 8 heures.
J’arrive au bureau pour l’une des nombreuses séances de la semaine. J’ai beau me concentrer, j’ai toujours un temps de retard, les sujets s’enchaînent trop rapidement. J’en ressors avec l’impression d’être incompétent. Je crains que cela finisse par se voir.

Cette scène s’est répétée chaque semaine pendant plus d’un an, depuis que j’ai été testé positif au Covid-19 le 1er mars 2021. J’avais alors repris le travail dès que possible. En montant la première volée d’escaliers : mal aux cuisses, essoufflement, fatigue. Ça va passer, rien d’alarmant.

Mois après mois, les symptômes persistent. Je ressens des douleurs musculaires – impossible de remonter le store à manivelle de mes fenêtres, de me brosser les dents sans changer de bras – et toujours beaucoup de fatigue. Grand amateur de randonnée, je ne grimpe plus la montagne, je la longe. Je réfléchis lentement, j’ai des trous de mémoire.

« Non, ça ne va pas »

Mon parcours de « patient Covid-long » débute en août 2021, car j’éprouve des difficultés pour respirer. Verdict ? Tout va bien, ça doit être dans ma tête. En janvier 2022, des douleurs persistantes aux aisselles me conduisent à nouveau chez ma médecin. La consultation se prolonge, on fait le tour de mes symptômes. Juste avant de partir tombe la question que je refusais de me poser : « Sinon, vous, ça va ? » En répondant « non », j’avoue enfin à une professionnelle que je ne vais pas bien, et que l’épuisement me provoque des crises d’angoisse.
« Je vais vous arrêter, monsieur. » Mon congé maladie durera six semaines.

Pourtant, selon la science, je suis en parfaite santé. Juste une carence en vitamine D, « comme tout le monde ». C’est paradoxal, mais puisque je n’ai rien, j’ai gagné le droit d’aller à une consultation post-Covid-19. Pour moi, ce sera à l’Hôpital Riviera-Chablais de Rennaz.

Coïncidence, je m’y rends pour la première fois le 1er mars 2022, un an pile après mon test positif. Avant même le premier examen et le premier médicament, je vais déjà mieux. Empathie, bonne humeur, écoute, du guichet d’accueil jusqu’au médecin. On entend souvent que la médecine est devenue trop technique, a perdu toute humanité mais mon rétablissement, je le dois en partie aux personnes que j’ai eu le bonheur de croiser au long de mon parcours hospitalier.

La délivrance des réponses

Quelques semaines, un test respiratoire, un test d’effort et deux malaises vagaux plus tard, le diagnostic est posé : asthme et respiration dysfonctionnelle. Le premier, je connais, j’en ai eu beaucoup jusqu’à l’adolescence. Retour à la case départ, avec le même inhalateur qu’il y a vingt ans. Ça ne me rajeunit pas.

Pour la seconde, la respiration dysfonctionnelle, le rendez-vous est pris au Service de physiothérapie et ergothérapie de l’Hôpital de Martigny pour neuf séances de rééducation ventilatoire. Mon physiothérapeute s’appelle Lars Denayer, il a un accent que je ne saurais situer (flamand, il s’avérera) et des patients comme moi, il en voit beaucoup : « Ça n’arrête pas », me glisse-t-il. S’il pratiquait déjà la physiothérapie respiratoire avant la pandémie, le virus
a chamboulé sa profession : « Nous avons une excellente collaboration avec nos collègues pneumologues et physiothérapeutes, ce qui nous permet de nous adapter rapidement en fonction des avancées de la recherche. C’est important. »

Mes jours de congé sont dédiés à la physio. Rapidement, grâce aux conseils, exercices et encouragements de Lars, ma situation s’améliore. Au point que seules six séances seront nécessaires.

Un esprit ceint dans un corps sain

Entre-temps, j’ai repris le travail. Mais cette année de Covid-long a laissé des traces, notamment psychologiques. Si le corps est redevenu sain, il va maintenant falloir s’occuper de l’esprit.
J’ai aussi été contraint de réduire mes interactions sociales à la portion congrue. Le travail draine toute mon énergie, je panique si je dois organiser des choses, voir des gens. Quant à l’avenir, je m’interdis d’y penser, jusqu’à nouvel ordre.

Une discussion avec le professeur Pierre-Olivier Bridevaux, chef du Service de pneumologie du Centre hospitalier du Valais romand et responsable de l’Unité de pneumologie de l’Hôpital Riviera-Chablais, me fait néanmoins comprendre que je ne suis pas seul, et que les difficultés que je rencontre, je ne les invente pas. «L’altération de la qualité de vie des patients n’est absolument pas négligeable, elle est même sévère. Par exemple, nos patients qui souffrent de respiration dysfonctionnelle ont une qualité de vie mesurée par des scores qui est comparable à celle de personnes qui souffrent d'un cancer. Ce n’est pas banal. »

La seule certitude: être dans le doute

Si je peine, aujourd’hui encore, à m’affranchir du doute qui continue à me ronger, surtout depuis une seconde infection au Covid-19 en juin 2022, mes deux interlocuteurs, eux, sont plus optimistes. Pour le Prof. Bridevaux, ce n’est qu’une question de temps, et de patience: «Il faut garder espoir. La recherche avance partout dans le monde. Nous avons l’espoir de nouveaux traitements qui vont cibler les biomarqueurs de la maladie
et peut-être, par ce biais-là, réduire les symptômes. Mais nous ne sommes qu’au début de ces recherches. Pour l’heure, nous n’avons pas de pilule miracle. » /

RAFAEL, la plateforme d’information post-Covid
Rafael est la première plateforme francophone interactive sur les séquelles à long terme du Covid-19. Inaugurée en novembre 2021, elle inclut un chatbot (robot conversationnel), qui répond aux questions et fournit des informations sur les symptômes du post-Covid.
Face au manque de tests au début de la pandémie, le Service de médecine de premier recours (SMPR) des HUG a été obligé de mettre en place un système de suivi à distance. Rapidement, les équipes se sont aperçues que, chez certaines patientes, les symptômes persistaient. « Nous avons l’impression d’être utiles en fournissant des informations, et parallèlement nous recueillons des données importantes. C’est gagnant-gagnant », explique le Prof. Idris Guessous, médecin-chef de service du SMPR. Les données récoltées par cet « outil citoyen participatif » sont ensuite comparées à celles provenant des cohortes de suivi standardisé afin de « repérer et confirmer un signal ».
Aujourd’hui, Rafael compte de nombreux partenaires romands, dont le CHUV et Unisanté, mais aussi étrangers. Une volonté d’ouverture assumée et promue par son concepteur. Pour Idris Guessous : « Le ou la patiente est réellement l’expert. En tant que médecin, vous me dites ce que vous ressentez, je prends des notes et j’apprends avec vous. »
Les témoignages liés aux effets du Covid-long sur la population sont nombreux. Outre Rafael, différents groupes de soutien ou d’information existent, à l’instar de la plateforme Altea, ou des associations suisses alémaniques Long Covid Suisse et Covid Langzeitfolgen.



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