Décryptage
Texte: Gary Drechou
Photo: Service d'appui multimédia (SAM)

Chapelle en reconversion spirituelle

Alors que le CHUV entreprend de transformer sa chapelle œcuménique en un lieu de spiritualité «enraciné et ouvert», d’autres hôpitaux romands font également évoluer leurs espaces de prière et de recueillement.

Sous la voûte, la fresque est belle. Signée de l’artiste Daniel Schlaepfer, elle met en valeur, sur un fond bleu nuit au motif de l’Arbre de vie, 480 points lumineux constitués de fibre optique. Nous sommes dans le bâtiment principal du CHUV, au 8e étage, quelque part entre la bibliothèque universitaire et les auditoires. Inaugurée en 2001 par des offices de prière chrétienne, juive et musulmane, la chapelle œcuménique des
«Hospices cantonaux», ouverte aux patients, aux visiteurs et aux collaborateurs, n’a rien de tape-à-l’œil. La pancarte indiquant l’entrée de ce qui devait être à l’origine une salle de cinéma est presque confidentielle. Quant aux signes confessionnels, ils sont discrets et amovibles. Entre 1998 et 2001, dans le cadre d’une première transformation de la chapelle – jusqu’alors protestante – tout avait été pensé pour y accueillir différentes sensibilités religieuses. Vingt ans plus tard, le lieu amorce une nouvelle mue et devrait être rebaptisé.

Usagers et coutumes

Si le timing est calqué sur les travaux prévus dans le bâtiment hospitalier et le déménagement de la bibliothèque universitaire voisine, «la réflexion de fond est liée à l’évolution des besoins et du rôle des aumôniers, désormais accompagnants spirituels», répond Isabelle Lehn, directrice des soins du CHUV et responsable du projet. C’est qu’avec la Charte de Bangkok, adoptée en 2005, l’OMS inclut la dimension spirituelle dans sa définition du concept de santé, aux côtés des dimensions biologiques, psychologiques et sociales. Une prise en charge globale de la personne passe donc dorénavant par l’intégration de la spiritualité. Le Centre des formations du CHUV, en partenariat avec le Service d’aumônerie et la Formation continue UNIL-EPFL, propose d’ailleurs, depuis septembre 2018, un nouveau CAS en accompagnement spirituel en milieu de santé.

«Aujourd’hui, alors que 18% des résidents suisses disent avoir un lien significatif avec une institution ou une communauté religieuse et qu’une minorité d’entre eux pratiquent régulièrement leur religion, on part du principe que tout le monde a une spiritualité, mais que celle-ci peut se manifester de multiples façons», soutient François Rouiller, responsable du Service d’aumônerie œcuménique au CHUV.

En lien avec l’évolution de la prise en charge, face à la diversité des croyances et du rapport à la spiritualité de ses usagers, l’hôpital aurait donc tout intérêt à élargir sa conception des «lieux de prière et de recueillement». Pour François Rouiller, «un signal fort de cette nouvelle réalité est le succès rencontré par les séances de méditation pleine conscience, qui se tiennent régulièrement dans la chapelle sur la pause de midi, et qui accueillent facilement entre 40 et 60 personnes».

Symboliquement vôtre

Comment faire place à la spiritualité de chacun tout en respectant la religion, voire la pratique de la religion, de certains? La première étape du projet mené au CHUV, qui s’articule autour du diptyque «enraciné et ouvert», consiste à trouver un nouveau nom évocateur. Et ce n’est pas évident. «Avec François Rouiller et le groupe de travail, qui inclut le directeur des ressources humaines, Antonio Racciatti, ainsi que trois accompagnants spirituels, nous avons retenu l’idée de lieu ou d’espace, mais sera-t-il interreligieux, spirituel ou interspirituel? Nous nous donnons jusqu’au mois de juin pour trancher», explique Isabelle Lehn. «Dans le processus, nous intégrons naturellement les Églises, mais aussi un théologien spécialiste des questions interreligieuses, un professeur de science et de psychologie des religions de l’UNIL, ainsi que le Conseil œcuménique cantonal des hôpitaux.» Pour la conception de l’espace, il est prévu de faire appel à un spécialiste de la symbolique:

«Nous voulons trouver un symbole qui permette de dire notre enracinement culturel, judéo-chrétien, mais qui puisse aussi être universel, afin que d’autres s’y reconnaissent», précise François Rouiller.

Ce symbole devra être «présent sans être proéminent», résume Isabelle Lehn.

Dans un deuxième temps, le groupe de travail pourrait s’appuyer sur la Plateforme Médecine, spiritualité, soins et société CHUV-UNIL (MS3). Dirigée par Etienne Rochat, théologien et accompagnant spirituel, elle agit dans les domaines de la recherche, de l’enseignement et de la validation de modèles cliniques en lien avec l’intégration de la spiritualité dans les soins. «L’expertise de la Plateforme MS3 pourrait nous être utile à moyen terme, dans le but de créer des groupes types avec des patients, des proches et des professionnels du CHUV, souligne François Rouiller, et nous nous intéressons évidemment à ce qui se fait ailleurs.»

Chacun son modèle

À Neuchâtel, la mise à disposition d’un espace multiconfessionnel pour remplacer la chapelle de l’Hôpital des Cadolles avait été prévue dès la conception du nouvel Hôpital Pourtalès. Inauguré en 2006, le lieu tutoie les hauteurs, au 6e et dernier étage.

«C’est un endroit magnifique, confie Martine Robert, de l’équipe d’aumônerie œcuménique, avec des baies vitrées donnant sur le lac, mais pas de vitraux.»

S’il avait d’abord été envisagé de l’appeler «espace de prière», c’est finalement le nom de chapelle qui a été conservé «pour des raisons de simplicité et de clarté», souligne Muriel Desaulles, directrice générale ad interim. Côté symbolique, les représentants des cinq communautés religieuses les plus actives dans le canton – chrétienne, musulmane, juive, baha’ie (mouvement abrahamique et monothéiste qui a fêté son jubilé en 2017) et bouddhiste – se sont entendus pour mettre en avant l’eau comme «élément commun». C’est donc une fontaine qui accueille les usagers, ornée de figurines qui semblent y puiser de l’énergie. À l’intérieur, cinq tableaux «sobres et lumineux» déclinent les symboles cultuels sur une trame bleue.

Du côté des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), avec quatre chapelles et six espaces de recueillement répartis sur différents sites – dont deux réservés aux personnes de confession musulmane – l’approche décentralisée prévaut. «Les aumôniers ne sont pas employés par l’hôpital, mais mis à disposition par les Églises et communautés religieuses», précise Nicole Rosset, adjointe de la direction des affaires extérieures et responsable de la coordination des aumôneries. Comme au CHUV, un nouveau lieu devrait cependant ouvrir très prochainement. «Le nom n’est pas définitif, mais nous l’avons conçu comme un espace de recueillement interspirituel.» Particularité?

Dans cette grande salle de 270 m2 située au cœur du site principal des HUG, trois sous-espaces de 35 m2 seront réservés aux communautés chrétiennes, israélite et musulmane, et un aux humanistes.

Dans chacun d’eux, une vidéo sera projetée pour symboliser la religion concernée ou la neutralité.

Prière de ne pas déranger

Pour encadrer l’utilisation de leurs espaces, les HUG et le CHUV se sont dotés de chartes. «Des exceptions peuvent être octroyées en accord avec le service d’aumônerie, mais la chapelle doit rester en tout temps accessible à tous et aucun mouvement excluant ou exclusif n’est toléré», résume François Rouiller. Du côté de Genève, Nicole Rosset confie que si une charte est bien prévue pour le nouvel espace, de manière générale, «l’ambiance est au respect et à la bonne entente». À la chapelle de l’Hôpital Pourtalès, enfin, point de règle écrite: «Tout s’est passé de façon tellement harmonieuse jusqu’ici que nous n’avons pas éprouvé le besoin de rédiger de charte», témoigne Martine Robert.



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1982

La chapelle est installée dans le nouveau bâtiment hospitalier du CHUV. Auparavant, elle se trouvait de l’autre côté de la rue du Bugnon, en face de l’ancien hôpital cantonal: un tunnel reliait les deux bâtiments, qui permettait aux bénévoles de pousser les lits des patients assistant aux célébrations. Le décor – très protestant – comprend notamment un lutrin avec Bible, une table de communion et deux appliques en fer forgé agrémentées d'une tuile.

1998-2001

La nécessité d’une réfection donne lieu à une rénovation en profondeur, qui marque aussi l’évolution œcuménique de la chapelle du CHUV. Autour de la symbolique de la lumière, un puits est ouvert et des appliques sont installées sur les bas-côtés. Une fresque de Daniel Schlaepfer vient habiller l’espace, alors que de nouveaux meubles en bois d’érable sont conçus. À la demande de la direction générale, les signes confessionnels se font discrets pour permettre une utilisation interreligieuse.

2019

Anticipant les travaux
prévus dans le bâtiment hospitalier principal, la direction des soins du CHUV poursuit un projet «évolutif» visant
à rebaptiser la chapelle œcuménique et à la transformer en un lieu de spiritualité plus ouvert. Le nom doit être choisi d’ici l’été, alors que la nouvelle configuration de l’espace devrait être dévoilée dans la foulée.