Cette fois, nous y sommes ! Il y a vingt-cinq ans presque jour pour jour, le colonel Gut me demandait ce que je pensais du film Outbreak – Alerte en français –, qui venait de sortir et qui avait pour cadre un village du Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo) ravagé par un terrible virus. Tandis que les scientifiques travaillaient jour et nuit à isoler l’agent infectieux, l’armée se proposait de prendre des mesures de sécurité draconiennes.
L’apocalypse présentée se termina bien grâce à la mise au point, en un temps plus que record, d’un vaccin.
Le colonel Gut était le chef de l’Institut de sécurité militaire (IMS) rattaché à l’ETH de Zurich, dont la mission était notamment d’analyser et d’évaluer les risques dans les différents domaines d’armes et d’effectuer le suivi des nouvelles tendances dans les technologies militaires. Pour ma part, j’étais responsable de l’évaluation des armes chimiques et biologiques dans un contexte de ratification par la Suisse de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi de ces armes et sur leur destruction conclue à Paris en 1993, mais également de l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo.
J’allais donc visionner ce film. Au-delà du scénario, qui est d’ailleurs très proche de celui de nombreux autres thrillers et films catastrophe, il mettait en jeu un casting intéressant, rendait grâce à des spécialistes valeureux, compétents, mais surtout il jetait un regard cru sur notre fragilité par rapport à une épidémie (qui ne devint jamais pandémique) incontrôlable qui menaçait potentiellement l’humanité.
C’était de la fiction, concluions-nous pour évacuer le réalisme du risque que ce cauchemar ne devienne réalité. Depuis que nous sommes entrés dans cette pandémie de Covid-19, je ne peux me distancier de l’impression que m’a laissée ce film et quand je me lève le matin, j’apprécie la douceur du printemps et m’interroge sur la réalité de la situation.
Oui, cette fois, nous y sommes. Espérons qu’à la date de publication de cet article, nous serons sortis de ce contexte. Restera le fait que la réalité a dépassé la fiction en nous montrant l’importance de l’anticipation, de la préparation, de l’accessibilité à des ressources de crise, que ce soit en termes humains ou matériels et nous faisant réfléchir sur notre fragilité et l’importance de la solidarité. Trop souvent, nous rions des politiques de préservation de capacités de production nationales, nous nous offusquons contre le coût de la gestion de stock, nous négligeons l’anticipation de problématiques jugées improbables. Nous avons su mesurer leur importance, sachons nous en souvenir et privilégions l’anticipation à la réaction, la voyant non pas comme un coût, mais comme un investissement. C’est dans cette optique que nous avons créé le site Business Continuity Resource afin de nous assurer de pouvoir toujours accéder aux ressources nécessaires à la continuité des opérations économiques et institutionnelles de notre pays… quelle que soit la situation. /
