Chronique
Texte: Benoît Dubuis
Photo: Emily Whitehead Foundation

Concilier la médecine de pointe avec notre système de santé

Avez-vous entendu parler du Kymriah, cette thérapie génique qui consiste à reprogrammer les lymphocytes T (globules blancs) des patients afin qu’ils reconnaissent et attaquent les cellules cancéreuses?

Ce traitement développé par le groupe pharmaceutique Novartis est autorisé en Suisse depuis octobre 2018. Il permet de lutter contre deux types de leucémies. Seul bémol: comme chaque injection du Kymriah coûte 370’000 francs, cette thérapie se trouve dans la ligne de mire de plusieurs ONG.

Il en va de même avec l’amyotrophie spinale (SMA), une maladie qui touche un nouveau-né sur 10’000 environ. Novartis propose aussi une cure dont le coût est de 2,1 millions, autorisée par l’Agence sanitaire américaine. Sans traitement, le taux de mortalité ou de nécessité d’assistance respiratoire continue s’élève à plus de 90% à l’âge de deux ans. Le prix fixé pour son traitement est certes très élevé, mais selon le fabricant, il représente plus ou moins la moitié des coûts d’un suivi thérapeutique non curatif sur dix ans. Une approche validée par la Banque cantonale de Zurich, qui considère le prix comme «acceptable», tout en faisant remarquer que le montant est remboursable en cas de non-succès.

Ces deux exemples ont le mérite de poser deux questions primordiales liées à notre système de santé. La première touche au rapport «prix- utilité», comparant les effets d’une intervention thérapeutique à une autre, en prenant en compte les économies réalisées et les années de vie gagnées, ajustées pour la qualité de vie. La deuxième question, bien plus délicate en-^core, concerne la prise en charge des personnes souffrant de maladies rares, voire ultra-rares.

Ces situations requièrent le développement de thérapies très spécifiques, pour peu de patients, et donc à un coût par patient élevé.

Des choix dans l’attribution de ressources sont nécessaires pour assurer les équilibres dans les services de santé. Les nouvelles thérapies géniques de Novartis, en plus de sauver des vies, auront, espérons-le, le mérite de nous sortir de discussions abstraites et de définir des marches à suivre qui aiguilleront aussi bien le monde de la recherche que ceux de l’industrie et de la médecine. Ces directives sont également cruciales pour le développement de l’industrie de la santé et pour donner une perspective aux entrepreneurs du secteur, car ces questions sont celles qui habitent leur quotidien.

Prenons un exemple récent, vécu dans le cadre d’un projet accompagné par l’Accélérateur translationnel de la Faculté de médecine de l’Université de Genève: la Fondation Inartis a été confrontée au repositionnement d’un anticancéreux dans le traitement de la myopathie de Duchenne, une maladie congénitale grave affectant les jeunes garçons et limitant l’espérance de vie à environ une vingtaine d’années. À l’heure où l’équipe académique se bat pour boucler le budget de la phase III de ce candidat-médicament, il est essentiel de savoir dans quelle mesure ce produit serait pris en charge et à quel prix.



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L’Américaine Emily Whitehead a été la première patiente à bénéficier du traitement Kymriah en 2012.

Benoît Dubuis est ingénieur, entrepreneur, président de BioAlps et directeur du site Campus Biotech.