Chronique
Texte: Benoît Dubuis, ingénieur, entrepreneur, président de BioAlps et directeur du site Campus Biotech
Photo: DR

De l’importance d’un écosystème rapprochant monde industriel et académique.

Souvent interpellé sur l’opportunité de relations industrie-hautes écoles, je m’étonne de la mécompréhension du caractère essentiel de ces interactions, et surtout du présupposé que ces interactions se font hors contrôle, sans réglementation, l’industrie étant présentée comme prédatrice et les hautes écoles comme victimes.

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www.bioalps.org, la plateforme des sciences de la vie de Suisse occidentale

Que le domaine de la santé ait besoin de nouvelles pistes thérapeutiques est une évidence. Que ces pistes requièrent des efforts de recherche, une autre. Nature Reviews Drug Discovery, dans un article très bien étayé sur les origines de 252 médicaments, nous apprenait qu’en Europe 75% étaient issus de la recherche conduite par des sociétés pharmaceutiques, le solde étant au crédit d’instituts de recherche académiques et de biotechs. Pourtant, plus importante encore est la compréhension de la dynamique de R&D qui s’appuie sur ces deux univers et donc sur des métiers, des expertises et surtout des expériences complémentaires.

Pionnière dans la création d’une relation privilégiée entre industrie et hautes écoles, la Suisse a su établir une relation de confiance respectueuse des missions réciproques des partenaires. L’expérience et le professionnalisme tant des instances académiques que de leurs partenaires industriels ont permis de rapprocher des mondes qui ne se parlaient guère il y a encore une dizaine d’années. La Suisse l’a fait dans le respect des missions académiques et des contraintes industrielles. Que des audits d’experts valident le bien-fondé de ces partenariats et des termes contractuels est naturel.

Ce qui me laisse plus circonspect est que le rapprochement entre les mondes industriel et académique soit insidieusement et de façon répétée remis en cause en arguant de conflits d’intérêts, d’une instrumentalisation de la recherche, d’une négation de la liberté académique ou en reprochant un manque de transparence. Prenons ce dernier argument. Sommes-nous prêts à prendre le risque que des informations touchant à l’innovation, le moteur du développement et du succès de nos entreprises, soient sorties de leurs contextes et rendues publiques, présentées de façon partielle (et peut-être partiales) à un public peu habitué à ces considérations? Forcer la publication de ces informations industrielles sensibles au nom de la «transparence», n’est-ce pas, soit un déni de confiance à l’égard des institutions et organes en charge de la gestion de ces dossiers, soit une méconnaissance du contexte de compétition entre régions, nations, entreprises?

Dans le débat qui touche ces collaborations, souvenons-nous que la Suisse a patiemment mais efficacement construit une relation privilégiée (car respectueuse des intérêts de chacun) entre nos industries, nos PME, nos start-up et nos instituts de recherche et développement, et que ce nouveau modèle d’innovation stimulant pour chacun des partenaires est essentiel pour aborder les défis auxquels nous sommes confrontés, pour offrir aux patients et à la société des solutions technologiques innovantes. ⁄



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