Texte: Catherine Cossy
Photo: Jeanne Martel - Service d'appui multimédia (SAM)

«Chaque patient doit pouvoir savoir ce qui l'attend»

Côté professionnels

La Dre Angela Orcurto est l’une des deux médecins qui accueillent les patients pressentis pour participer à l'essai, afin de leur expliquer en détail ce qui les attend. Au cours de deux entretiens, elle passe en revue «de A à Z» le protocole, ainsi que le formulaire de consentement.

C’est dans un box de consultation assez sobre au 6ème étage du bâtiment principal du CHUV que le patient, souvent accompagné de sa famille, découvre pour la première fois le document, dont le titre à lui seul tient sur trois lignes: Étude de phase I pour évaluer la faisabilité et la sécurité d’un transfert adoptif de lymphocytes T autologues infiltrant la tumeur en combinaison avec de l’IL-2 suivi d’un rattrapage avec nivolumab chez des patients atteints d’un mélanome métastatique avancé.

Cette première étape du consentement, qui conditionne toutes les autres, se déroule selon des critères assez stricts. La consultation dure en général une heure et la Dre Orcurto n’a pas beaucoup de marge de manœuvre pour mener l’entretien. Son rôle est de garantir que le patient a compris «la nature, l’importance et la portée de l’étude».

Avancer point par point

Particulièrement long — 27 pages —, le formulaire de consentement commence par un résumé en 16 points qui suit un modèle standardisé. Les objectifs de l’étude et informations générales sur le projet, le déroulement, les bénéfices pour les participants et les risques y sont notamment présentés. «Je commence à zéro et reprends tout ce qui a pu leur être dit auparavant, souligne Angela Orcurto, car personne ne peut tout assimiler d’un coup.»

Dans le cadre de cet entretien, la Dre Orcurto fait également le tour des alternatives qui existent au traitement proposé dans l’essai, ou, dans le pire des cas, informe le patient qu’il n’y a plus d’autres options thérapeutiques.

«Le patient doit savoir s’il a d’autres choix à disposition. Il doit également savoir qu’il peut en tout temps retirer son consentement et sortir de l’essai, sans justification aucune.»

Prévenir, sans pouvoir tout prévoir

Les effets secondaires remplissent à eux seuls six pages, classés selon leur fréquence. Ils ont été établis en se basant sur la littérature et sur ce qui a été fait aux États-Unis, où le traitement a déjà été expérimenté. «C’est un document très complet», souligne Angela Orcurto. «Je suis là pour détailler par oral tout ce qui pourrait arriver, ce qui rend le formulaire plus léger.»

La perte des cheveux, causée par la chimiothérapie qui précède la réinfusion des cellules, est souvent source de questionnements, mais la Dre Orcurto aborde aussi, entre autres, les frissons et les nausées qui peuvent intervenir au moment de la réinfusion des cellules.

Transparente, elle insiste sur un point:

«Il peut y avoir des réactions au traitement que personne n’a encore jamais envisagées.»

«Les patients doivent comprendre que nous ne pouvons pas tout prévoir. Certains n’ont pas le choix et vont de l’avant. La plupart voient le bon côté et veulent essayer un traitement qui leur donne une chance supplémentaire.»

Autre message clé, pas toujours facile à délivrer: «Nous ne pouvons donner aucune garantie que le traitement va apporter un bénéfice au patient», même si le principe de tout essai clinique est que le bénéfice espéré dépasse le risque.

Double signature

Rédigé par le Bureau des affaires réglementaires du Centre des thérapies expérimentales, le consentement explique le protocole de l'étude en suivant un modèle type. Dans l’idéal, le texte doit être formulé de manière claire, en évitant le «jargon» et les termes trop spécialisés. Il est revu par les médecins, avant d’être soumis à la commission cantonale d’éthique, dans le cadre de la procédure d’autorisation de l’essai clinique.

À la fin de la première consultation, le patient repart avec les 27 pages à la maison. Il dispose alors d’un temps raisonnable de réflexion avant de donner sa réponse quant à sa participation.

Lors d’une deuxième consultation, il peut revenir avec toutes les questions qui le préoccupent afin d'être en mesure de donner son consentement «éclairé».

Vient alors le moment assez solennel où le patient signe le formulaire, en deux exemplaires. Puis la Dre Orcurto appose à son tour sa signature. Elle va désormais suivre le patient dans la phase préparatoire, pour s’assurer que son état général reste bon et que chaque contrôle donne un résultat positif pour participer à l’essai.



Profil

La Dre Angela Orcurto est cheffe de clinique au sein du Service d'immuno-oncologie du Département d'oncologie UNIL-CHUV.

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