Interview
Texte: Joëlle Cachin
Photo: Gilles Weber

«Les financements de la recherche ne sont pas suffisants»

Par manque de fonds, les traitements contre les maladies rares mettent des années avant de voir le jour. Explications avec le généticien Andrea Superti-Furga.

Au printemps 2016, une équipe de scientifiques lausannois, dont fait partie Andrea Superti-Furga, a découvert une nouvelle maladie qui provoque un retard de développement sévère et des troubles de la croissance osseuse. Le scientifique se dit confronté au quotidien à des anomalies génétiques. La difficulté reste à comprendre comment elles s’expriment pour parvenir ensuite à mettre sur pied un traitement.

in vivo / Identifier des maladies inconnues, cela arrive souvent dans la vie d’un généticien?

Andrea superti-furga / Ce n’est pas si rare que ça. Mais il demeure un nombre considérable de patients dont on n’arrive pas à identifier la pathologie. Toutefois, lorsque l’on parvient à déceler des symptômes similaires chez plusieurs personnes, on trouve parfois une mutation génétique commune. On est devenu très fort dans la découverte de gènes malades. En revanche, trouver des thérapies, c’est paradoxalement plus compliqué.

iv / Pourquoi?

asf / Il s’agit de trouver les financements pour des recherches qui concerneront très peu de personnes. Le Fonds national suisse s’investit, mais les aides sont difficiles à obtenir. Il existe aussi des fondations qui financent la recherche pour les maladies rares, mais ce n’est encore pas suffisant.

iv / Dans le cas où un projet de recherche est accepté et financé, combien de temps faut-il attendre avant qu’un traitement soit trouvé?

asf / Le «time gap» entre la découverte de la maladie et l’accès à un médicament fonctionnel est très long. Dans le cas du nanisme, le gène a été identifié en 1995. En 2015, des premiers essais thérapeutiques d’une substance ont été conduits sur des patients adultes. Le résultat positif a montré une croissance augmentée, mais il a fallu vingt ans pour que ce traitement voie le jour!

iv / Pourtant ce «time gap» est bien moins long pour des maladies plus communes...

asf / Bien sûr. Il y a ce que l’industrie pharmaceutique appelle les «blockbusters». Une nouvelle aspirine, un médicament contre les allergies, un traitement pour un certain type de cancer. Prenons quelqu’un tombant malade du cancer avec un prognostic très mauvais. Six mois à deux ans plus tard, un nouveau médicament entre sur le marché ciblant précisément ce type de mutation. La médecine de précision en oncologie fonctionne bien et se facture extrêmement cher. Les industries exploitent cela de manière éclatante./

Andrea Superti-Furga est le chef du Service de médecine génétique au CHUV



Partagez: