Interview
Texte: Yann Bernardinelli

«Envisager une vie sans enfants est moins stigmatisé que par le passé»

La baisse de la fécondité dans les pays occidentaux est en constante progression. La sociologue Laura Bernardi en explique les causes.

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Laura bernardi est sociologue à l’université de lausanne

Les comportements en matière de fécondité ont énormément évolué au cours du XXe siècle. Dès 1900, le nombre moyen d’enfants par femme résidant en Suisse a fortement diminué, passant de 3,7 à 1,8 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. A partir de 1938, ce taux remonte pour atteindre 2,6 en 1945. Depuis 1975, il est stable, fluctuant entre 1,5 et 1,6 pour l’ensemble des femmes. Les explications de Laura Bernardi.

IV / Un nombre grandissant de couples ne réalise pas leurs souhaits de fécondité. Quelles en sont les raisons?

LB / Les couples reportent souvent leur parentalité à plus tard, car elle est perçue comme difficilement conciliable avec la formation ou l’entrée dans le marché du travail. Une des raisons de ce report est l’augmentation de la durée des formations supérieures et le fait que de plus en plus de femmes les suivent. A cela, il faut ajouter la précarité prolongée avant le premier emploi susceptible d’assurer les moyens pour créer une famille.

IV / Quelle est la situation en Suisse?

LB / Elle n’est pas bonne! Ici, c’est surtout le coût par enfant qui limite leur nombre par famille.

IV / L’évolution des normes et des comportements est-elle aussi responsable?

LB / Envisager une vie sans enfants est moins stigmatisé que par le passé. Les individus attachent plus d’importance à la réalisation personnelle qu’à la famille. Depuis la normalisation de la contraception, la sexualité est moins associée à la reproduction. Décider d’avoir un enfant passe donc par le choix d’interrompre un comportement par défaut, la contraception, pour pouvoir procréer. C’est une révolution copernicienne dans le processus de décision menant à la parentalité.

IV / La solution est-elle politique?

LB / Oui, la politique peut améliorer la compatibilité entre parentalité, formation, travail et loisirs. Les limites d’âge pour les emplois et la formation doivent s’assouplir, salaires et congés parentaux doivent être rendus équitables entre les genres. De plus, les frais et horaires de garde et de scolarité doivent demeurer compatibles avec ceux des deux parents qui travaillent.



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