Interview
Texte: Céline Bilardo
Photo: Eric Déroze

"Les médecins ont peur des adolescents"

Anne-Emmanuelle Ambresin* insiste sur l’importance de former tous les médecins de premier recours à la prise en charge des adolescents.

L’adolescent n’est plus un enfant, mais pas encore un adulte. Il mérite une approche adaptée à son âge tant au niveau de la communication que des soins proposés. Le corps médical doit être sensibilisé à la question.

iv Qu’est-ce qui fait la spécificité d’une approche médicale dédiée aux adolescents?

aea Les jeunes adolescents demandent plus de temps qu’un patient qui viendrait en consultation pour adultes. La question de la confidentialité doit toujours être abordée avec un ado ainsi que le tutoiement/vouvoie-ment car, il peut ne plus vouloir être tutoyé, par exemple.

Leurs problèmes, physiques et psychiques, mobilisent souvent également une équipe multidisciplinaire, des soignants à plusieurs degrés de soins qui doivent arriver à travailler en réseau. Il est important que tous les médecins sachent comment aborder un adolescent pour qu’il s’ouvre et crée un lien avec le corps médical.

iv Comment faites-vous passer le message?

aea Sur l’initiative du Prof. Pierre-André Michaud, pionnier de la médecine de l’adolescence à Lausanne, nous avons introduit plus de 16 heures de cours sur la médecine de l’adolescence dans le cursus universitaire des étudiants en médecine à Lausanne. Nous proposons également des formations sur trois jours aux médecins de premiers recours (médecins généralistes, pédiatres, gynécologues) qui montrent un intérêt. Tous seront amenés, dans leur pratique, à soigner un adolescent. Et ce sont eux qui servent de premier filtre et peuvent identifier un jeune qui a besoin d’aide.

iv Quelle est la réaction des médecins durant ces formations?

aea Les soignants sont le plus souvent soulagés à l’issue de ces cours! Je pense que les adolescents souffrent encore d’énormes préjugés et les médecins ont souvent peur de les recevoir dans leur cabinet. Ils disent ne pas être prêts et ne pas réussir à les faire parler. Le but des formations est de permettre aux professionnels de la santé d’expérimenter le «savoir-être» avec un adolescent. Ces derniers demandent simplement à être écoutés par une personne de confiance, qui les respecte, qui soit compétente dans son domaine et qui sache leur parler. Ils apprennent à poser des questions simples mais essentielles afin de repérer un adolescent qui souffre et de pouvoir répondre à ses besoins, ou dans les cas trop complexes, le diriger vers un centre comme la DISA par exemple, où il sera pris en charge de manière interdisciplinaire.

*Anne-Emmanuelle Ambresin est médecin-cheffe de la division interdisciplinaire pour la santé des adolescents (disa) au chuv.



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