Editorial
Texte: Béatrice Schaad, responsable éditoriale
Photo: Patrick Dutoit

Meurtrier incognito

Le sepsis, aussi appelé «septicémie» ou syndrome du choc septique, reste dangereusement méconnu.

En savoir plus:

*CZURA CJ. «MERINOFF SYMPOSIUM 2010: SEPSIS – SPEAKING WITH ONE VOICE», MOL MED 2011; 17:2-3.

**FLEISCHMANN, SCHERAG, ADHIKARI, ET AL.: GLOBAL SEPSIS INCIDENCE AND MORTALITY. AM J RESPIR CRIT CARE MED VOL 193, ISS 3, PP 259–272, FEB 1, 2016

Que se passe-t-il quand rien ne va plus? Quand le corps se dérègle au point d’affronter une infection généralisée? Hippocrate, n’y allant pas par quatre chemins, avait baptisé le phénomène «sepsis», autrement dit «putréfaction». Voilà qui est dit. Depuis lors, le syndrome a tour à tour été baptisé «septicémie» ou syndrome du choc septique. Sont-ce ces balbutiements lexicaux qui ont participé au déficit de reconnaissance accordé au phénomène? Toujours est-il qu’aussi inquiétant soit-il, le syndrome demeure dangereusement méconnu.

Le sepsis frappe en effet à large échelle: aux États-Unis, les décès qui lui sont dus dépassent ceux consécutifs au cancer du côlon, à celui du sein et du VIH combinés*. Les estimations actuelles évaluent les épisodes à 31 millions et les décès à 6 millions dans les pays à hauts revenus**, autrement dit autant de morts que ceux entraînés par la cigarette.

Progressivement cependant, ce fléau de santé publique commence à provoquer quelques sueurs froides auprès des autorités sanitaires.

Fin mai, l’Organisation mondiale de la santé adoptait une nouvelle résolution incitant ses membres à développer des plans nationaux de lutte contre le «plus mortel des tueurs dont on n’entend jamais parler».

Le problème le plus épineux semble-t-il, et qui a fini par ébranler les autorités sanitaires internationales, est que trop rares sont les cliniciens capables de diagnostiquer un patient à risque. Ainsi, il semble bien que la majorité des décès entraînés par le sepsis n’aient pas été correctement reportés. Le sepsis n’aurait même été mentionné que sur 40% des certificats de décès de patients qui en étaient effective-ment morts, selon un récent article publié par The Guardian.

En Grande-Bretagne, le National Health Service a empoigné le problème en développant un vaste plan de formation de ses médecins. Résultat, et même si d’autres facteurs ont participé à cette évolu-tion, le taux de mortalité de patients admis dans les soins intensifs des hôpitaux anglais a baissé en quelques mois de 35% à 27%.

Et en Suisse? Plusieurs spécialistes à l’instar du Professeur Thierry Calandra, chef du Service des maladies infectieuses au CHUV et pionnier dans le domaine, militent de longue date pour la mise sur pied d’une filière de prise en charge et des campagnes publiques à large échelle. Le but? Permettre une identification rapide des patients touchés. Ce n’est qu’à cette condition que ce meurtrier, jusqu’ici incognito ou presque, finira par tomber le masque. ⁄



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