Dossier
Texte: Carole Extermann
Photo: Heïdi Diaz

« J’ai compris que j’étais un homme à 20 ans »

Léon Salin a désormais un torse grâce à la mastectomie qu’il a subie l’an dernier, et prend de la testostérone pour que son corps corresponde au genre dont il se sent le plus proche.

« Je ne suis pas né dans le mauvais corps, mais dans la mauvaise société », explique Léon, 23 ans, pour qui la transition n’est pas ressentie comme une rupture, mais comme une continuité. « Parfois, j’ai le sentiment qu’on attend de moi que je dise que je ne me suis jamais senti bien dans mon corps, que j’ai toujours eu un problème avec le genre qui m’a été assigné à la naissance. Or, c’est faux. C’est seulement à l’âge de 20 ans que j’ai pris conscience que j’étais un homme. Je ne renie pas ce que j’ai été durant mon enfance et mon adolescence. »

À partir de ce moment-là, la cohabitation avec son genre assigné à la naissance devient profondément problématique. « Durant deux ans, j’ai éprouvé énormément de difficultés à sortir de chez moi, je ressentais une grande dysphorie au niveau de mes seins. » C’est auprès d’associations comme Le Refuge, à Genève, que Léon trouve du soutien avant d’entamer un accompagnement auprès d’une psychologue, qu’il consulte aujourd’hui encore. Six mois plus tard, il obtient un premier rendez-vous avec une endocrinologue.

« Je voulais prendre la plus grande dose de testostérone possible. On ne me l’a pas immédiatement accordée. C’était compliqué pour moi, je me suis senti infantilisé. »

Les injections de testostérone s’effectuent dans un premier temps toutes les dix semaines. Léon prendra ce traitement à vie, même si au fur et à mesure les injections s’espaceront. Cependant, les premiers temps du traitement sont difficiles pour Léon, car les changements n’arrivent pas aussi rapidement qu’escompté. « Accepter cette latence a été un vrai défi. Pour m’encourager et mesurer les modifications, je me suis photographié et j’ai enregistré ma voix chaque semaine. » Au fil des jours, il voit son corps changer au niveau de la répartition des masses, sa pilosité se densifier et il entend sa voix qui baisse. Il observe aussi rapidement l’arrêt de ses menstruations.

Pour pouvoir préserver son potentiel de fertilité, malgré la prise hormonale, Léon a opté pour une cryogénisation de 14 ovocytes. « À 19 ans, il m’était compliqué de prendre une décision sur le fait de devenir père un jour. Alors j’ai choisi de me faire opérer pour conserver des gamètes. »

En parallèle de la prise d’hormones, Léon a souhaité être opéré afin de se faire retirer les seins. « La mastectomie a été l’étape clé de ma transition, mais aussi la plus compliquée. » La première difficulté lui a été posée par les assurances, qui ont d’abord refusé de prendre en charge sa torsoplastie. Ensuite, l’opération elle-même s’est accompagnée de complications et d’une longue convalescence, impliquant notamment le port d’un gilet pendant un mois. « Aujourd’hui, je suis ravi du résultat. La cicatrice suit le contour des tétons et est donc totalement invisible. Cette opération a changé ma vie. »

Sa transition, Léon l’a documentée sur les réseaux sociaux. Son compte Instagram l’a popularisé en tant que transgenre, un paradoxe pour celui qui demandait seulement qu’on le reconnaisse comme un homme. Heureusement, Léon bénéficie d’un bon passing, c’est-à-dire qu’il a la capacité de faire passer sa transition inaperçue. C’est sans doute la raison pour laquelle il affiche volontiers des images d’archives de son parcours ou qu’il se présente parfois portant une robe. « Je renie la question du deuil. Je suis toujours la même personne, dans le même corps, simplement sous une forme plus proche de mon ressenti. »



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