Dossier
Texte: Chloé Thomas-Burgat

Des cellules plein la poche

L’essai clinique ATATIL, qu'une équipe d'In Vivo a suivi pendant plusieurs mois, se distingue par la production au CHUV des lymphocytes destinés à détruire la tumeur. Une dizaine de personnes s’activent ainsi en laboratoire pour les faire proliférer.

Dans le corps du patient, les globules blancs à l’affût des cellules cancéreuses survivent dans un environnement hostile. Ils tentent de lutter – en vain – contre un cancer particulièrement agressif. Ils sont tout simplement à bout de force. À leur arrivée au laboratoire du Centre des thérapies expérimentales (CTE) du CHUV, les techniciens vont les placer dans un environnement bien plus favorable.

Baignés dans de l’interleukine 2, une substance de signalisation cellulaire qui permet leur expansion, les lymphocytes reprennent des forces durant une première phase qui peut durer jusqu’à 35 jours. Après cette cure de jouvence, ils entament la deuxième phase de la culture, sur quatorze jours. «Nous prenons entre 25 et 40 millions de lymphocytes produits lors de la première phase et nous leur réservons à nouveau un traitement de faveur», explique Philippe Gannon, responsable de la production. Le but, cette fois, est non seulement de les faire proliférer, mais aussi d’activer très fortement les récepteurs placés à leur surface. «Ceux-ci joueront un rôle crucial une fois les lymphocytes réinjectés dans le corps du patient, car ils seront en première ligne pour intercepter les cellules cancéreuses», précise-t-il.

À l’issue de ces 14 jours de manipulations consciencieuses, les lymphocytes «reboostés» ne se comptent plus en millions, mais en milliards: 50 à 75 milliards d’entre eux sont récoltés avec d’infimes précautions afin d’être administrés au patient.

«Lorsqu’on observe leur travail, ça a l’air simple, mais il faut comprendre qu’il y a des années de recherche derrière. C’est un véritable exploit de maintenir des cellules en vie en dehors du corps aussi longtemps», souligne Lionel Trueb, l’un des médecins qui s’occupent des patients inclus dans l’essai. L’ensemble des manipulations s’effectue en «salle blanche». Chaque technicien d’analyses biomédicales est vêtu d’une blouse, de gants, d’un masque et d’une charlotte. «Dans cet environnement où la concentration est de mise, on parle très peu et on évite tout geste inutile», souligne Philippe Gannon.

Avant de retrouver le corps du patient, les globules blancs subissent encore une phase de lavage et reçoivent une dernière dose d’interleukine 2, afin d’être au meilleur de leur forme et de rester dans un état dit «activé». Vient alors l’étape des tests qualité. Sur les 300 ml que contient la poche de perfusion, 3 ml sont prélevés pour passer une batterie d’examens, selon un horaire très précis. Entre 9h30 et 12h, c’est l’équipe du contrôle qualité du laboratoire qui opère. Elle vérifie notamment l’absence d’endotoxines et le phénotype, puis effectue un comptage du nombre de cellules. Par la suite, toute la documentation et les résultats des tests passent entre les mains de la Dre Emanuela Marina Iancu, responsable de l’assurance qualité, qui vérifie que le processus a été respecté et que le produit correspond aux normes de Swissmedic. Lorsqu’elle donne son feu vert, la poche peut partir en «réinfusion».

Les équipes du laboratoire suivent l’évolution des patients avec intérêt. «Les conditions de travail sont difficiles en labo et les équipes aiment recevoir des résultats concrets», explique Philippe Gannon. «Quand je reviens des colloques sur le suivi des patients et que j’annonce une diminution des métastases, il y a une énergie folle.»



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