Chronique
Texte: Jean-Daniel Tissot
Photo: CEMCAV

Pénurie de données

Jean-Daniel Tissot, doyen de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne

La pénurie de médecins est plus que jamais à l’agenda. Jusqu’au Conseil fédéral qui souhaite débloquer 100 millions de francs pour doper les capacités de formation pré-graduée. Cette manne attire bien sûr les convoitises, l’EPFZ préparant ainsi son propre Bachelor en médecine.

La pression parlementaire, la frénésie des annonces et nos propres inquiétudes nous forcent aujourd’hui à agir. Mais elles génèrent aussi un écran de fumée, masquant le problème de fond: notre relative méconnaissance de la démographie médicale. Car le refrain sur la pénurie de médecins revient aussi souvent que l’antienne sur la surpopulation de spécialistes. Par ailleurs, selon une estimation de l’Académie suisse des sciences médicales, 20% des médecins changent de métier dix ans après leur formation. Un chiffre qui reflète notamment la féminisation de la profession, et l’inadaptation de nos structures à accompagner ce mouvement. Ce n’est donc pas qu’un problème de formation.

Avec la sur-spécialisation, le développement de filières biomédicales, il est de plus en plus difficile de définir ce qu’est aujourd’hui un «médecin». Médecins généralistes, spécialistes certes, mais aussi médecins chercheurs, ce métier est plus que jamais protéiforme.

Il faut mieux connaître cette réalité, réordonner les messages contradictoires, hiérarchiser les intérêts divergents pour pouvoir apporter une réponse adéquate. Au risque sinon de lancer des mesures d’urgence autour d’un fantasme.

Et c’est le rôle d’une Faculté de biologie et de médecine de remettre de l’ordre dans ce chaos. Il importe notamment de dissiper le «brouillard de guerre» régnant sur le métier: nous souhaitons ainsi créer une cohorte de médecins, dont nous suivrons l’évolution dès la première année d’étude. La Faculté de biologie et de médecine aura une mission complexe: garantir une formation médicale de base orientée sur la clinique, tout en formant de nouvelles catégories de médecins, à savoir les médecins biologistes et les médecins ingénieurs. L’enjeu sera également celui de la communication; il importera de changer les métiers et
non pas de créer des passerelles élitistes. Et surtout, il faudra encourager les médecins une fois diplômés et les accompagner, pour éviter les désillusions et l’hémorragie démographique. ⁄



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