Innovation
Texte: Stéphanie de Roguin
Photo: Amélie Benoist / BSIP / Newscom

Un robot en gardien du lien

Dans plusieurs hôpitaux suisses, les jeunes patients peuvent désormais garder un contact étroit avec leurs camarades de classe grâce à un robot. Celui-ci pourrait en outre s’avérer utile pour travailler sur certains symptômes autistiques.

Le robot Nao se trouve dans la salle de classe, installé à la place du petit Martin. Hospitalisé depuis plusieurs semaines pour une lourde opération, le garçon suit le cours depuis son lit à travers les yeux du robot et interagit par le biais d’une tablette. L’occasion de ne pas perdre une miette du monde de l’école et des apprentissages, et surtout de garder un lien avec ses camarades.

«Ce système permet à l’enfant hospitalisé pour une longue durée de conserver sa place dans les lieux de son quotidien, sa salle de classe, mais aussi la table à manger familiale», expose Thierry Perronnet, le directeur général d’Avatarion, une entreprise suisse de robotique humanoïde.

Le projet a été imaginé en 2014 par Jean-Christophe Gostanian, qui se trouve également à l’origine de Kindercity, un parc à thème axé sur l’appren-tissage de la science par le jeu situé dans la région de Zurich.

Avatarion a développé des outils pour donner une visée pédagogique au robot Nao, conçu en 2006 par la start-up française Aldebaran Robotics, rachetée depuis par le géant japonais Softbank. Haut de 60 cm, programmable en 19 langues différentes, Nao en est aujourd’hui à sa cinquième version et 9’000 exemplaires ont été vendus dans le monde.

Mené sous forme de projet pilote à l’Hôpital universitaire de Bâle dans un premier temps, le programme Avatar Kids a ensuite été étendu à plusieurs hôpitaux de Suisse, notamment à Zurich et à Saint-Gall. Certains hôpitaux ont investi la somme de 25’000 francs pour Nao et sa station programmable. D’autres ont bénéficié d’un robot mis à disposition par la caisse maladie Helsana, l’un des principaux partenaires du projet avec la branche suisse du géant électronique Samsung. La technologie Avatar Kids a depuis été exportée en France, en Italie, aux États-Unis ou encore au Mexique.

Vidéo de Radio Chablais

POUR QUELS PATIENTS?

Le projet Avatar Kids concerne les enfants de 5 à 15 ans, qui connaissent une hospitalisation d’au moins dix jours. Il cible les situations suivantes:

- Nouvelles admissions d’enfants qui acceptent difficilement leur hospitalisa-tion à cause du manque de relations sociales avec leur classe ou leurs amis.

- Réintégration d’un enfant à la suite d'un séjour de plusieurs mois à l’hôpital, afin de reconstruire le contact social.

- Hospitalisations récurrentes de patients qui doivent rester à l’hôpital pour de longues périodes. La greffe de moelle osseuse, par exemple, induit de longs séjours de plus de trois mois, ce qui peut conduire à un isolement de l’enfant.

- Patients souffrant de troubles psychosomatiques tels que l’anorexie ou la boulimie.

Bien accueilli

Les enfants hospitalisés pour une longue durée souffrent de pathologies lourdes (cancer, maladie rare) ou ont subi une opération conséquente. «Nous lais-sons passer la partie importante du traitement avant d’approcher les parents, dont l’accord est naturellement nécessaire avant d’aller plus loin», explique Thierry Perronnet, d’Avatarion. La mise en place du programme se fait sur prescription médicale. C’est donc l’équipe médicale de l’hôpital qui va décider du temps consacré à Avatar Kids, et du bon moment pour commencer le programme. Le maître d’école est, quant à lui, formé pendant une demi-journée à l’utilisation de la tablette et du système.

«Généralement, les élèves sont très curieux et accueillent positivement l’arrivée du robot en classe», témoigne Thierry Perronnet. L’enseignant les prépare au fait que leur camarade n’a peut-être plus de cheveux, ou que son apparence n’est plus la même qu’à son départ. Car Nao possède un petit écran sur la tête, qui diffuse en direct les images de l’enfant hospitalisé. Sa voix est transmise par des haut-parleurs situés sur les deux côtés du robot.

«Le dispositif permet de dédramatiser la maladie», poursuit le directeur d’Avatarion. Et, pour l’élève hospitalisé, de ne pas prendre trop de retard. L’enseignant peut photographier des feuilles de cours, qu’il envoie à l’enfant sur sa tablette. Celui-ci y fait ses exercices, et les renvoie à son maître pour qu’il les corrige. Lors d’un cours en direct, l’enfant malade peut appuyer sur des icônes à l’écran pour signaler à son enseignant qu’il ne se sent pas bien ou qu’il est trop fatigué. L’enseignant dira alors aux élèves que le contact est fini pour aujourd’hui, sans avoir à expliquer pourquoi.

Parti de Suisse alémanique, le projet n’a pas encore été expérimenté en Suisse romande. Pourtant, les Établissements hospitaliers du Nord vaudois sont équipés d’un robot Nao, que la municipalité d’Yverdon-les-Bains a acheté conjointement avec l’Association pour le développement du Nord vaudois il y a deux ans. «Le projet Avatar Kids est prévu pour des hospitalisations de plus de dix jours, ce que nous n’avons pas pour le moment», précise Séverine Berger, animatrice de l’association Hospirécré, qui intervient au Service de pédiatrie de l’hôpital d’Yverdon-les-Bains.

Pour l’instant, elle utilise Nao pour faciliter le contact avec les enfants qui sortent d’une opération, nécessitant un séjour d’un ou quelques jours. Dans les chambres comptant entre deux et quatre jeunes patients, elle les divertit en faisant danser le robot. «Les enfants se contentent de regarder. Cela va un peu vite pour le suivre. Mais Nao sait aussi montrer des exercices de tai-chi ou de yoga. Lorsqu’il s’agit de tenir une posture, les enfants peuvent alors plus facilement participer.»

Séverine Berger observe un intérêt et une grande curiosité des enfants hospitalisés pour ce nouveau venu. Seuls les très jeunes patients, âgés d’un an ou deux, se montrent peu réceptifs et prennent parfois peur devant les yeux de Nao qui changent de couleur. Les parents se montrent également plutôt enthousiastes. Mais les sessions ne durent pas plus de dix minutes. «Nous tenons à favoriser l’interaction humaine avant tout», insiste l’animatrice.

La Fondation Planètes Enfants Malades a remis au Centre Cantonal Autisme le robot humanoïde NAO qui va être engagé dans un projet thérapeutique avec les enfants en traitement. Une première en Suisse romande.

Un intérêt particulier pour les enfants avec autisme

Le robot Nao possède également toute une batterie de jeux didactiques, notamment destinés aux enfants avec un trouble du spectre autistique. Impassible et doté d’une voix monocorde, il permet à ces enfants très sensibles aux émotions de leurs interlocuteurs d’apprendre et d’évoluer sans avoir le sentiment d’être jugés.

Softbank Robotics mène des recherches pour que, à terme, Nao détecte les émotions des enfants avec autisme afin de leur proposer une activité adaptée.

S’il décèle de la tristesse, il pourrait par exemple suggérer une forme de réconfort, ou un jeu pour leur changer les idées. Le Centre Cantonal Autisme, au CHUV, a reçu fin mars un robot Nao, fourni par la fondation Planètes Enfants Malades, pour travailler avec ses jeunes. «Les robots ne remplacent en aucun cas les thérapeutes mais constituent un outil numérique pertinent pour travailler sur certains symptômes autistiques, note la Prof. Nadia Chabane, directrice du centre. Nous nous réjouissons de découvrir les diverses applications possibles dans le cadre de notre activité».



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