Décryptage
Texte: Laurence Jaquet

Le prestige des singes

Comme les humains, les singes Vervet désignent des leaders dont le comportement influe sur celui des autres.

Les singes aussi aiment suivre des leaders. C’est le constat de Charlotte Canteloup, postdoctorante dans l’équipe d’Erica van de Waal de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne. Lors d’une expérience en Afrique du Sud, son équipe et elle ont mené une recherche de huit mois sur le comportement des singes Vervet dans leur habitat naturel.

Les individus de deux groupes distincts ont été observés pendant huit mois durant leurs activités quotidiennes. Les chercheurs ont attribué des rangs et des statuts sociaux afin de différencier les dominants des dominés. Par la suite, huit boîtes contenant chacune un morceau de fruit étaient disposées sur le sol chaque matin. Ces dernières pouvaient s’ouvrir de deux façons : en soulevant le couvercle ou en ouvrant le tiroir. Chaque matin, l’équipe analysait quel singe se laissait influencer par quel autre singe et comment.

Les analyses ont montré que les primates apprenaient à ouvrir les boîtes en observant leurs congénères et qu’ils copiaient préférentiellement la technique utilisée par les individus d’un rang social plus élevé. « Toutefois, les primates ne reproduisent pas le geste exact dès le premier essai, il s’agit plutôt d’émulation. Ils sont attirés par le même endroit de la boîte que les leaders », dit Charlotte Canteloup.

Une hypothèse de la chercheuse est que les singes Vervet répondent à la notion de prestige. Chez l’humain, les plus savants ou les plus puissants jouissent d’un certain statut et sont préférentiellement imités par les autres. Il se pourrait que le concept de prestige se retrouve ainsi dans l’histoire évolutive que l’on partage avec nos cousins éloignés et qu’il induise des règles d’apprentissage similaires aux nôtres. « Cela nous permet de mieux comprendre l’émergence de certaines de nos capacités, souvent considérées comme des spécificités humaines, donc de mieux comprendre notre espèce », ajoute-t-elle. /



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