Décryptage
Texte: Propos recueillis par Rachel Perret
Photo: Heidi Diaz (SAM)

«Un enfant sur cinq subit des mauvais traitements»

Sarah Depallens, pédiatre du CAN Team, explique les implications de l’obligation légale de signaler les suspicions de maltraitance sur la pratique des professionnels de la santé.

Où en est la législation concernant la protection des mineurs?

Le canton de Vaud s’est doté depuis 2004 d’une loi sur la protection des mineurs (LProMin) qui stipule que tout professionnel en relation avec des mineurs et qui a connaissance de la situation d’un enfant en danger dans son développement est tenu de procéder à son signalement aux autorités compétentes (Justice de Paix et SPJ). La loi vaudoise est actuellement plus contraignante que le Code civil qui, au niveau fédéral, ne prévoit pas d’obligation de signalement, mais offre aux professionnels la possibilité de le faire. Une modification du code civil devrait cependant entrer en vigueur au 1er janvier 2019, avec une obligation de signaler les enfants victimes de maltraitance pour tous les professionnels en contact régulier avec eux (enseignants, travailleurs sociaux, éducateurs, moniteurs sportifs, etc.), dès que l’enfant semble en danger dans son développement et que les parents ne peuvent remédier à cette situation.

Est-ce qu’il n’y a pas une contradiction entre l’obligation de signaler et le secret professionnel auquel vous êtes soumis?

La loi vaudoise est contraignante pour tous les professionnels, y compris les médecins, et rend caduque la notion de secret médical. Nos signalements décrivent des éléments que nous avons constatés cliniquement (observation de lésions) ou qui nous ont été rapportés (anamnèse fournie par un parent), mais nous n’interrogeons pas les enfants comme le ferait la police au cours d’une enquête. Ce n’est pas notre rôle. Mon avis, par rapport à la législation, est que l’obligation de signalement a l’avantage de clarifier les rôles de chacun.

Pensez-vous que la maltraitance infantile est en augmentation?

Nos chiffres augmentent constamment, mais ce n’est probablement pas en raison d’un accroissement de la maltraitance: il s’agit plutôt d’une meilleure détection de celle-ci. À titre d’exemple, nous attachons aujourd’hui beaucoup plus d’importance à la maltraitance psychologique, dont fait partie l’exposition répétée des enfants à la violence conjugale de leurs parents. Par le passé, cette souffrance n’était pas reconnue.

Comment mieux sensibiliser?

Je pense que nous ne sommes pas assez présents durant la formation des étudiants en médecine. Selon des estimations de la Fondation suisse pour la protection de l’enfant, entre 10% et 20% des enfants subissent des mauvais traitements sous une forme ou une autre jusqu’à leurs 18 ans. C’est bien plus fréquent que n’importe quelle pathologie qu’on apprend à diagnostiquer durant nos études! Un autre effort doit porter sur notre collaboration avec l’école, puisque c’est là que les enfants passent le plus de temps après la maison. Enfin, j’estime qu’il y aurait beaucoup de bénéfice à parler ouvertement de la violence domestique aux enfants et adolescents. La violence n’est pas une honte, ni une fatalité.

Au sein des hôpitaux vaudois, les professionnels de la santé ont l’obligation légale de signaler les cas de maltraitance infantile. Le CHUV s’est doté d’un modèle pluridisciplinaire de détection et de prévention.

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Sarah Depallens, médecin associée au Child Abuse and Neglect (CAN) Team et à la Division interdisciplinaire de santé des adolescents (DISA) du CHUV.