Chronique
Texte: Texte : Dorothée Blancheton

Les véganes tournent-ils vraiment à plein régime ?

Exclure de son alimentation la viande et les produits d’origine animale peut présenter des bienfaits pour la santé, à condition de respecter certaines règles. Explications.

Près de 85’000 des Suisses se considèrent comme véganes, selon un sondage de la plateforme Swissveg mené au début de l’année 2020. Encore complètement marginale il y a dix ou quinze ans, la pratique connaît une forte augmentation. Les trois quarts des adeptes de ce régime alimentaire vivent d’ailleurs outre-Sarine et sont de sexe féminin. Plus largement, 5,1% de la population suisse se déclare végétarienne, révèle cette même étude.

Pour rappel, le véganisme refuse l’exploitation des animaux à tous points de vue et rejette donc les produits qui en sont issus (cuir, laine, soie…). Sur le plan alimentaire, cela revient donc à exclure la viande, le poisson, les œufs, les produits laitiers ou encore le miel,
et à privilégier fruits et légumes.

Un régime riche en végétaux représente un certain nombre d’atouts. Il offre à l’organisme de fortes quantités de fibres, de vitamines (B1, B6, C) et de sels minéraux utiles.

Selon une vaste étude menée en 2018 par la Commission fédérale de l’alimentation (COFA), une alimentation riche en végétaux, couplée à l’absence de viande et à une faible quantité de graisses saturées, permettrait de réduire le risque de maladies non transmissibles telles que le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains cancers.

« Des patient-e-s recourent au véganisme pour ses possibles vertus curatives, notamment en oncologie », expose Muriel Lafaille Paclet, diététicienne-cheffe au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV. « Il est cependant important qu’une diéteticienne ou un diéteticien les accompagne », prévient-elle.

Possibles carences

Si un régime sans viande présente des bienfaits pour la santé, il peut aussi avoir des effets indésirables. Exclure les produits animaliers risque en effet de rendre l’apport protéique insuffisant. Les protéines végétales possèdent des acides aminés moins diversifiés et sont en ce sens moins assimilables que les protéines animales.
Or, les protéines participent à la croissance et au développement des muscles.

Les apports en calories sont également plus faibles avec une alimentation végétarienne. « Les végétaux, souvent riches en fibres et en eau, occupent un grand volume dans l’estomac. La personne se sent rassasiée mais son alimentation est peu concentrée. Cela peut entraîner une dénutrition qui empêche la bonne croissance et le développement cognitif », explique Nicoletta Bianchi, diététicienne-cheffe adjointe à l’Unité de diététique du CHUV. Une carence en vitamine B12, apportée presque uniquement par les produits d’origine animale, est également à craindre.

En excluant les produits laitiers de son alimentation, une bonne part des apports en calcium disparaît. Si plusieurs végétaux en contiennent, ils doivent être bien choisis car ceux riches en oxalates peuvent interférer avec son effet. Le calcium est pourtant essentiel car il permet à l’enfant d’atteindre sa densité osseuse optimale et à l’adulte, notamment âgé, de consolider ses os et ses dents.

Dans un régime végane, la vitamine D, présente dans les poissons gras et les œufs, peut aussi faire défaut. Les omégas 3 à longue chaîne, contenus dans le poisson, risquent de manquer également. Ces composants ont une action anti-inflammatoire et assurent le fonctionnement cognitif. Les graines de lin, les noix ou l’huile de colza fournissent des omégas 3, mais à chaînes plus courtes. Leur action se révèle alors moins efficace.

Enfin, une carence en zinc est également possible. Elle se manifeste par une moins bonne cicatrisation, des ongles cassants, des pertes de cheveux, des diarrhées répétées ou un retard de croissance.

Des populations plus sensibles que d’autres

L’alimentation végane peut entraîner des carences quel que soit l’âge, mais avec des conséquences plus importantes chez les populations sensibles. Chez les jeunes notamment. « L’adolescent a une croissance très rapide.
S’il est végan, son indice de masse corporelle (IMC) peut être inférieur à la normale. Il risque donc de ne pas atteindre son potentiel génétique de croissance s’il a une alimentation carencée », avertit Nicoletta Bianchi. Il s’avère que plus un enfant adoptant un régime végan est jeune, plus le risque de malnutrition et de répercussions sur sa croissance et son développement neurologique est grand. Les adolescentes aussi sont particulièrement touchées.
« Une alimentation végane couvre rarement un apport adéquat en fer. Or, chez la jeune fille qui commence à avoir ses règles, les besoins en fer sont majorés », précise Laëtitia-Marie Petit, pédiatre gastro-entérologue au Département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG)*. Les besoins spécifiques d’une femme enceinte ou allaitante peuvent également affecter sa santé et celle de son bébé. Par exemple, si la mère est carencée en vitamine B12 et qu’elle allaite son enfant, il peut montrer une hypotonie musculaire, avoir des troubles neuropsychologiques graves et irréversibles.

Une autre catégorie de population risque également de connaître des conséquences désagréables d’une alimentation sans apport animal. « Les personnes âgées ont besoin de plus de protéines pour compenser la perte de masse musculaire.
Elles absorbent moins bien les nutriments en vieillissant et peuvent avoir des problèmes de mastication, or certains végétaux ont des fibres dures à mâcher », détaille Muriel Lafaille Paclet, du Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV.

Compléments alimentaires et soleil

Pour compenser ces manques, il est conseillé d’augmenter la consommation de végétaux riches en nutriments utiles (cf. éléments en exergue).

Les rayons ultraviolets du soleil peuvent également être salutaires. En synthétisant la vitamine D, ils couvrent généralement les besoins en la matière. Passer dix minutes par jour au soleil contribuerait à compléter les apports végétaux. « Les jeunes enfants sont protégés de ce côté-là car l’apport de vitamine D est systématique jusqu’à leurs 3 ans », expose Nicoletta Bianchi.

La consommation de végétaux peut également être complétée avec des micronutriments (voir encadré).
« La supplémentation doit être systématique chez les tout-petits. Un suivi est nécessaire avec des prises de sang, pour les enfants dès l’âge de 1 an », signale Laëtitia-Marie Petit, du Département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent des HUG. Peu de données existent cependant sur l’absence de maladie à l’âge adulte pour un enfant qui a été supplémenté petit, reconnaît la spécialiste. /

* médecin adjointe dans l’Unité de gastro-entérologie, hépatologie et nutrition pédiatrique, Service des spécialités médicales, Département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent des Hôpitaux universitaires de Genève



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5 façons d’optimiser les apports des végétaux

1. Les protéines peuvent être apportées par le soja, les pois chiches, les lentilles, les fruits à coque, ou encore les céréales complètes.

Il est conseillé de combiner plusieurs de ces produits afin de bénéficier d’une meilleure qualité nutritionnelle.

2. Pour avoir des apports suffisants en calcium (sans les effets perturbateurs des oxalates), mieux vaut se tourner vers des aliments comme le brocoli, le chou plume ou kale, ainsi que certaines eaux minérales.

3. Pour augmenter l’absorption du fer contenu dans les légumineuses et les céréales complètes notamment, il est conseillé d’associer à ces dernières une source de vitamine C (poivron, brocoli, kiwi, orange, etc.). Mais mieux vaut éviter de boire juste après du thé noir ou du café, qui diminuent l’absorption du fer.

4. Les flocons de levure et les germes de blé complètent les apports de zinc.

5. Les huiles de lin, de noix ou de colza sont à privilégier, car riches en omégas 3.