Chronique
Texte: Charlotte Mermier

Le rituximab ou la préhistoire de l'immunothérapie

Une molécule, une histoire: le rituximab

Le cancer est un ennemi sournois, qui arrive à échapper à la vigilance du système immunitaire. L’immunothérapie a pour but d’aider le corps à reconnaître les cellules cancéreuses et à les détruire. Les anticorps, des molécules produites par les cellules immunitaires, reconnaissent facilement les «envahisseurs» extérieurs tels que les pathogènes, les bactéries ou les virus, et induisent la destruction de ces cibles. Ils peuvent devenir de puissants alliés dans la lutte contre le cancer, comme le rituximab, premier anticorps utilisé pour de l’immunothérapie contre le cancer, l’a démontré.

Au XVIIIe siècle, un scientifique anglais, Edward Jenner, théorise le fait que contracter la vaccine, une maladie bénigne affectant les vaches, immunise contre la redoutable variole. Considéré comme le père de l’immunologie, il met ainsi au jour le principe de la vaccination. Au XIXe siècle, Louis Pasteur, à qui l’on doit notamment le vaccin contre la rage, fait bourgeonner l’industrie des vaccins en France et dans le monde. «Ils sont cependant utilisés à cette époque uniquement contre des maladies infectieuses», explique Thierry Buclin, médecin-chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV.

Au début du XXe siècle émerge l’idée que le système immunitaire pourrait être utilisé contre le cancer: ce sont les balbutiements de l’immunothérapie.

«L’hypothèse que notre système immunitaire nous défend également contre les cancers a été émise dès 1909», raconte Thierry Buclin.

«Autour des années 1970, on découvre que le vaccin contre la tuberculose est capable de soigner certains cancers. C’est également à cette période que l’on apprend à produire des anticorps en grande quantité contre une cible choisie. Et dès 1980 apparaissent les premiers essais d’anticorps contre le cancer.» C’est ainsi que naît le rituximab, le premier anticorps commercialisé pour traiter un cancer. Il cible un type de lymphome, un cancer issu précisément des cellules immunitaires. «Cet anticorps a été développé dans les années 1990, approuvé par la FDA (ndlr: Food and Drug Administration aux États-Unis) en 1997, et il est commercialisé depuis maintenant 22 ans. Il a révolutionné le traitement des lymphomes», poursuit Thierry Buclin.

L’efficacité de l’immunothérapie contre le cancer est donc confirmée. L’histoire récente du rituximab a en outre conduit à une évolution significative de la réglementation. Comme les médicaments, les anticorps peuvent avoir leur équivalent «générique» une fois le brevet initial expiré: on parle alors de biosimilaires. «Les autorités sanitaires se sont rendu compte qu’on ne peut pas raisonner de la même manière que pour les autres médicaments, remarque Thierry Buclin. Les anticorps sont des molécules extrêmement complexes: des critères stricts ont dû être mis en place pour admettre des biosimilaires, exigeant que l’équivalence thérapeutique de ces produits soit vérifiée.»

C’est donc le rituximab, précurseur de l’immunothérapie moderne, qui a ouvert la voie scientifiquement, mais aussi sur le plan réglementaire, à la profusion actuelle de ces traitements.



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