Chronique
Texte: Isabelle Lehn

Un moins synonyme de mieux

Pour manger bien, il faudrait manger moins. Ou en tout cas moins gras, moins sucré, moins salé. Nous prenons aujourd’hui l’avion comme nous prenions le train hier, encouragés par une offre low-cost. L’impact de cette consommation sur notre bilan carbone devrait nous inciter à voler moins.

Enfin, à l’heure où personne n’a encore trouvé de solution pour débarrasser nos lacs et océans des plastiques dont ils regorgent, nous continuons pourtant à produire des emballages à usage unique par millions. Il faudrait jeter moins.

Le secteur de la santé échappe-t-il à ces réalités caractéristiques de nos sociétés modernes? Certainement pas.

Les médicaments et équipements sont produits sur un mode industriel par des sociétés cotées en bourse et obéissant aux lois du marché. Elles créent ainsi de la valeur, de l’emploi et de l’innovation, mais ont besoin pour cela de vendre le plus possible.

Les professionnels de la santé ont pour objectif principal la réponse aux besoins – et attentes – de la population. Ils mobilisent dans cette perspective les savoirs, technologies et traitements les plus récents.

Leur quête du mieux tend toutefois à alimenter une logique du plus, décuplée par le nombre d’acteurs et de disciplines qui gravitent désormais dans l’écosystème du patient moderne.

Nous repoussons ainsi les limites et l’on survit aujourd’hui à bon nombre d’affections dont on mourrait autrefois.

Enfin, conscient des progrès phénoménaux réalisés ces dernières décennies, chaque citoyen-patient exprime naturellement des attentes croissantes. Ce qu’il débourse pour la couverture de ses frais de santé par l’assurance contribue à entretenir son haut niveau d’exigence, de même que la publicité pour des prestations de santé à laquelle il est exposé quotidiennement.

La santé n’est donc pas une exception et les mécanismes à l’œuvre dans ce secteur, un poids lourd de l’économie, tendent à produire là-aussi des excès. Trop de prestations, trop de médicaments, avec une plus-value pas toujours au rendez-vous, et, surtout, de nouveaux risques qui en découlent. Comme pour l’alimentation, les transports et les déchets, une réflexion s’engage en faveur d’un moins synonyme de mieux lorsque c’est pertinent. Et comme dans les autres domaines, la résolution du problème tient dans ce que les grandes organisations peuvent elles-mêmes décider d’entreprendre ET dans chacune des décisions que nous prenons toutes et tous quotidiennement.



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Isabelle Lehn est infirmière et directrice des soins du CHUV.