Health Valley
Texte: Camille Andres

Les hôpitaux s’inspirent de l’industrie aéronautique

Le personnel médical suit les méthodes des compagnies aériennes, qui misent sur l’amélioration de la communication pour prévenir les accidents.

Secouée par une série de catastrophes dans les années 1990, l’industrie aérienne a dû se remettre en question, en se penchant notamment sur les mécanismes de communication de son personnel. «Le facteur humain est à l’origine de 75% des problèmes en vol, explique Frédéric Macheret, commandant de bord sur Airbus A320 et formateur pour la compagnie Swiss. A l’époque, on s’est aperçu que bien des incidents étaient liés à un manque de coordination et de leadership au sein des équipages.» Paradoxalement, la période était marquée par une amélioration des moyens techniques à la disposition de l’industrie aérienne. «Mais plus les technologies sont complexes à utiliser, plus l’aspect humain doit être amélioré. Personne ne peut travailler dans son coin, l’échange d’informations est vital.»

Pour Frédéric Macheret, le milieu hospitalier, soumis à un stress croissant et des innovations technologiques permanentes, connaît aujourd’hui les mêmes défis que l’aviation vingt ans plus tôt. Les erreurs existent, qu’il s’agisse d’opérations par inadvertance ou d’incidents mal gérés. Afin de mieux les prévenir, Pierre Hoffmeyer, médecin chef du Service de chirurgie orthopédique des Hôpitaux universitaires de Genève, a sollicité il y a quatre ans l’expérience de Swiss. Des formations réunissant médecins, anesthésistes, instrumentistes, infirmiers et pilotes de ligne permettent de réfléchir aux dynamiques de groupe en cas d’incidents et de stress.

En une journée, les participants abordent des techniques issues du monde aérien comme la check-list. Ce briefing pré-décollage permet de s’assurer que tous les participants connaissent la durée et le déroulement du vol. Il permet de fédérer l’équipe autour d’un but commun. Et de s’assurer que chacun est à son poste, en cas de situation d’urgence.

Autre temps fort, l’échange en toute confidentialité autour de situations problématiques. «C’est une opportunité unique de discuter de gestion du stress, du travail en équipe, ou de l’impact du manque de communication hors du contexte purement professionnel. Ce temps de débriefing n’existe pas dans une journée de travail», reconnaît le formateur Domizio Suva,médecin adjoint agrégé, responsable de l’Unité d’orthopédie septique des HUG.

Le milieu hospitalier, soumis à un stress croissant et des innovations technologiques permanentes, connaît aujourd’hui les mêmes défis que l’aviation vingt ans plus tôt

A Lausanne, le CHUV suit la même évolution. Sans entrer dans un partenariat formalisé avec des compagnies aériennes, l’hôpital vaudois intègre depuis deux ans certaines approches issues du milieu de l’aviation dans ses formations. «Cela concerne surtout les techniques de crew ressource management, telles que pratiquées à Genève en partenariat avec Swiss, explique Serge Gallant, responsable du Centre de formation du CHUV. Ces procédures ont pour but de travailler les questions de leadership et relationnelles, qui ont été analysées comme étant fréquemment à l’origine des accidents.»

Le modèle aérien n’est évidemment pas transposable à 100% au milieu médical mais ces formations, améliorées au fil du temps, ont connu un réel succès chez les soignants. Aux HUG, s’il est impossible de quantifier la baisse des incidents, plusieurs études ont montré que tous les participants ont acquis de nouveaux savoirs, différents selon leur profession. Une culture de sécurité s’est développée, basée sur l’anticipation. Les compétences sociales des chirurgiens, autrefois habitués à travailler seuls comme les pilotes, sont valorisées.

L’expérience n’est pas limitée à la Suisse romande: depuis 2010, l’Hôpital universitaire de Zurich et ses cliniques de chirurgie cardiaque et neurochirurgie ont également mis sur pied de telles formations. Autre expérience, celle de l’hôpital privé GZO dans l’Oberland zurichois, qui fait également appel à Swiss pour former son personnel soignant. Avec un autre axe de réflexion cependant: le parallèle entre patients et passagers. Une manière d’appréhender la notion de client, parallèlement à celle de patient.



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L’utilisation de techniques issues du milieu de l’aviation a permis d’améliorer le travail en équipe au sein du CHUV. Depuis 2012, l’hôpital vaudois emploie une check-list de sécurité visant à mieux prendre en charge les patients avant et pendant leur opération. Un outil qui a permis une amélioration des processus dans l’ensemble des services où elle est utilisée.