Témoignage
Texte: Marie-Adèle Copin
Photo: Philippe Gétaz

Modifier sa perception de la douleur

L’hypnose permet d’apaiser les douleurs aiguës. Les explications de Maryse Davadant, infirmière spécialisée en soins intensifs.

Un homme de 71 ans est opéré à cœur ouvert sans anesthésie générale. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il n’a subi qu’une anesthésie locale et a supporté l’opération, éveillé. Il était sous hypnose. Cela s’est passé en 2007, à la clinique du Sacré-Cœur de Roulers, en Belgique.

Malgré les croyances populaires, les scientifiques sont formels: l’hypnose n’a rien d’ésotérique. C’est un outil thérapeutique efficace pour aider les patients à affronter des phobies, à se libérer d’une dépendance ou à traiter une allergie par exemple.

Le CHUV utilise l’hypnose pour apaiser les patients qui souffrent de douleurs aiguës, comme les grands brûlés ou les personnes greffées. «Je voyais à une époque un jeune patient brûlé aux deux jambes, raconte Maryse Davadant, infirmière du CHUV spécialisée en soins intensifs et en hypnose. Je lui ai demandé de décortiquer cette douleur. Il m’a dit avoir l’impression que des flammes de chalumeaux le brûlaient. Je lui ai donc proposé de baisser mentalement l’intensité de ces flammes. Cela n’a pas fonctionné, mais il a spontanément imaginé des plaques de glace sur les chalumeaux, ce qui lui a permis de se sentir mieux.» Cette première étape de «décortication» est indispensable, selon l’infirmière. «Lorsque la personne éprouve des douleurs aiguës, on ne peut pas lui proposer tout de suite de s’évader mentalement car la souffrance est trop forte.» En réalité, le patient se trouve déjà sous hypnose, envahi par ce qu’il ressent physiquement. C’est en jouant sur les métaphores que Maryse Davadant parvient à le soulager.

Un homme de 71 ans est opéré à cœur ouvert sans anesthésie générale. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il n’a subi qu’une anesthésie locale et a supporté l’opération, éveillé. Il était sous hypnose.

L’utilisation de métaphores se poursuit durant les soins. «Le changement de pansements, c’est-à-dire le nettoyage des plaies, est très pénible pour un grand brûlé. Le corps est à vif.» La personne est emmenée mentalement dans un lieu où elle se sent en sécurité, de façon à focaliser

son attention. L’infirmière fait des suggestions qui permettent au patient de vivre autre chose que sa situation présente. «Je sais quelle étape du soin va être difficile. Je vais donc intégrer la douleur dans les images. S’il choisit d’être dans une rivière, je vais lui dire, par exemple, qu’il s’érafle légèrement contre des pierres.» Contrairement aux a priori, les personnes sous hypnose se trouvent en total contrôle de leur corps. Elles sont même extrêmement concentrées. «Il s’agit d’un état de conscience modifiée.»

Les neurosciences ont prouvé que certaines parties du cerveau s’activent avec l’hypnose. «Lorsque le patient s’imagine dans une forêt et qu’il sent des champignons, l’imagerie médicale montre que la zone olfactive du cerveau est stimulée. Ce qui signifie que le patient vit l’expérience d’être dans les bois.» Cet état de conscience modifie le ressenti du patient, sa perception de la douleur, et lui permet de l’éprouver de façon acceptable. L’hypnose rend aussi le malade plus autonome. «L’idée consiste à apprendre l’auto-hypnose, souligne Maryse Davadant. Le patient comprend qu’il agit pour lui. Il ne subit plus son traitement et devient acteur de sa prise en charge.»



Partagez: