Chronique
Texte: Pierre-Yves Rodondi
Photo: Service d'appui multimédia du CHUV

Faites entrer les médecines complémentaires

Depuis octobre 2017, dans le cadre d’un projet pilote soutenu par la Direction générale du CHUV, les patients hospitalisés en oncologie se voient proposer une consultation de conseils sur les médecines complémentaires.

«Cachez ces traitements que je ne saurais voir»: en forçant un peu le trait, telle semble avoir longtemps été la position officielle d’une partie du corps médical vis-à-vis des médecines complémentaires. Du côté des patients, nombreux sont ceux qui, dans le même temps, avaient recours à ces traitements sans oser en glisser mot à leur médecin. On estime ainsi que plus d’un tiers des personnes traitées pour un cancer avaient recours aux médecines complémentaires, avec les risques que cela peut comporter, notamment d’interactions médicamenteuses.

Le passé est employé ici à dessein, car les choses pourraient bien changer. Depuis octobre 2017, dans le cadre d’un projet pilote soutenu par la Direction générale du CHUV, les patients hospitalisés en oncologie se voient en effet proposer une consultation de conseils sur les médecines complémentaires, ainsi que la possibilité de faire appel à l’acupuncture, au massage thérapeutique, à l’hypnose ou à l’art-thérapie pour soulager certains symptômes liés au cancer ou à son traitement.

Impensable il n’y a pas si longtemps, ce projet pilote d’intégration de certaines médecines complémentaires en milieu hospitalier est une première en Suisse romande. C’est un petit pas pour ces médecines, mais un grand saut pour un hôpital universitaire.

Pendant deux ans, il s’agira de mieux considérer et soulager des symptômes tels que les nausées, la fatigue, l’anxiété et la douleur et de rendre les traitements lourds plus tolérables. Les effets de cette intégration à l’hôpital pourront ainsi être documentés, en vue de décrire l’impact sur la qualité de vie et la sécurité des patients.

Pour revenir un peu en arrière, la position du peuple, manifestée lors de la votation fédérale de 2009, avait déjà ouvert tout grand la voie: 78% des Vaudois avaient alors plébiscité l’article constitutionnel pour la prise en compte des médecines complé-mentaires. En 2010, un pas académique avait été franchi avec l’intégration de cours de médecines complémentaires pour tous les étudiants en médecine. Cinq ans plus tard, le Centre de médecine intégrative et complémentaire voyait le jour au CHUV, avec trois missions claires: poursuivre la recherche et l’enseignement déjà initiés et considérer l’intégration de certaines médecines complémentaires en respectant les règles d’un hôpital universitaire.

L’avenir nous dira si ces médecines «complémentaires» sont amenées à le rester, ou si, au moins en oncologie, elles seront bientôt considérées «comme ayant toujours été une évidence», pour paraphraser Arthur Schopenhauer. ⁄



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Bio

Pierre-Yves Rodondi est responsable du Centre de médecine intégrative et complémentaire du CHUV.