Décryptage
Texte: Bertrand Tappy

Une molécule, une histoire

Le Glivec, médicament contre une forme rare de leucémie, coûte 50’000 francs par année par patient. En adaptant le dosage à chacun, son prix peut baisser et son efficacité augmenter.

Il s’appelle Imatinib, mais on le connaît surtout sous son nom de marque Glivec. Ce médicament révolutionnaire stoppe la progression d’une forme rare de leucémie, la leucémie myéloïde chronique, en allant inhiber de manière très précise son mécanisme de reproduction. C’est le premier d’une série de nouveaux anticancéreux spécifiques en pleine expansion, dont les plus récents sont dirigés contre les cancers des reins, des poumons, du foie, etc.

A son lancement en 2001, le Glivec frappe par son
prix de vente: 50’000 francs par année, pour un traitement à vie. L’argument du fabricant est que le développement du médicament a demandé un investissement considérable alors que le nombre de patients est très faible (50 cas diagnostiqués chaque année en Suisse). «En une dizaine d’années cependant, grâce au cumul des patients traités avec succès, le Glivec est devenu un produit extrêmement rentable, avec plus de 4 milliards de francs de revenus annuels dans le monde», explique Thierry Buclin,
chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Et les espoirs financiers des producteurs ne sont pas moindres pour les autres nouveaux anticancéreux.

Un autre point particulier est que pour des médicaments comme le Glivec, il n’y ait qu’une seule posologie recommandée. Or les concentrations atteintes dans le sang varient largement d’un patient à l’autre.

Alors au CHUV, on s’est très vite interrogé: serait-il possible d’améliorer le rapport coût/bénéfice de ces produits en établissant un dosage spécifique pour chaque patient? «On peut comprendre que les producteurs aient eu quelques réticences à financer des recherches aboutissant à baisser les doses de certains patients, et par conséquent les ventes, analyse Thierry Buclin. Mais nous devions lancer une recherche sur le sujet, parce que le manque de données sur une possible individualisation de ces traitements n’était simplement pas acceptable. Tout médicament peut être inefficace, ou au contraire faire plus de dégâts que de bien, si le dosage n’est pas adéquat.»

Après plusieurs années de recherche sur la mesure des concentrations sanguines de Glivec, l’utilité de celle-ci pour le patient semble confirmée, à condition que le prescripteur individualise les posologies en conséquence. Mais des travaux similaires restent maintenant à faire avec les autres anticancéreux de cette famille, eux aussi commercialisés à posologie uniforme alors qu’on se doute que différents patients ont besoin de doses différentes.⁄



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