Chronique
Texte: Joao Medeiros
Photo: Imagetrust

Peek, une innovation surprenante

Ou comment un scientifique anglais a transformé un smartphone en outil de diagnostic ophtalmique. par Joao Medeiros, rédacteur scientifique du magazine "Wired" UK

Andrew Bastawrous a commencé à exercer le métier de chirurgien ophtalmologiste en 2005. Il s’est lancé dans la médecine pour travailler dans des milieux pauvres, où il pensait pouvoir faire une différence. Sa formation au Royaume-Uni a été ponctuée de voyages fréquents en Afrique et en Amérique du Sud. «Les principales causes de cécité dans ces régions sont la cataracte, lorsque la lentille naturelle de l’œil se voile, et l’absence d’accès à des lunettes, explique-t-il. Les maladies sont les mêmes que celles dont on souffre dans les pays développés. La seule différence est que nous pouvons y remédier facilement.»

Peek a vu le jour dans un environnement contraint par la nécessité et la frugalité.

En 2007, Andrew Bastawrous a réalisé la toute première étude de cohorte portant sur les maladies oculaires en Afrique. La population concernée regroupait 5’000 personnes vivant le long de la vallée du Grand Rift au Kenya. Il y a ensuite mis en place une centaine de cliniques équipées de matériel coûteux, dans des endroits sans électricité à l’accès difficile. «J’ai pensé qu’il devait exister un moyen plus simple d’examiner ces populations. C’est alors que j’ai eu l’idée de transformer cet équipement en un smartphone.»

Peek se compose d’un adaptateur qui se fixe sur un smartphone et d’une application mobile. Ce système permet au personnel de santé disposant d’une formation minimale, d’un vélo et d’un sac à dos solaire, de réaliser un examen rapide des yeux, qui sera aussi précis que celui pratiqué grâce à du matériel hospitalier standard. «Le téléphone ne permettra pas de traiter les patients, mais identifiera ceux qui ont besoin d’un traitement, explique Andrew Bastawrous.

Peek a vu le jour dans un environnement contraint par la nécessité et la frugalité. Confronté à une tâche impossible, celle d’utiliser un matériel coûteux dans un milieu rudimentaire, Andrew Bastawrous s’est simplement posé une question: et s’il était possible de faire la même chose avec moins? Désormais épaulé par Zooniverse, un projet de crowdsourcing qui utilise une foule de volontaires pour analyser des images scientifiques, il est en mesure de traiter rapidement les données rassemblées sur les maladies oculaires et de potentiellement sauver des vies.

L’histoire du docteur Bastawrous est une leçon sur le secret de l’innovation. Lorsque l’idée du projet Peek lui est venue, ses collègues ont tenté de l’en dissuader. «On me disait: «ça semble être une bonne idée, mais tu as trop de travail, concentre-toi sur ton doctorat», se souvient-il. Mais l’idée a continué de prendre de l’ampleur, alors je me suis dit: «je vais essayer de le faire moi-même».»



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Profil

João Medeiros est responsable de la rubrique «sciences» de l’édition anglaise du magazine «Wired». Il traite régulièrement de sujets ayant trait à la santé, et organise par ailleurs la conférence annuelle «Wired Health».