Chronique
Texte: Bertrand Tappy

La vitamine C

Elle est censée tout prévenir et l’on se précipite dessus quand vient l’hiver. Mais d’où vient la vitamine C?

L’histoire de la vitamine C commence sur un bateau: James Lind, médecin de la marine royale britannique, cherche un remède efficace contre le scorbut, véritable malédiction des marins qui provoque durant les traversées océaniques abattement, déchaussement des dents, hémorragies et mort.

Il décide de mener un essai clinique (le premier de l’histoire semble-t-il) en comparant systématiquement chez les marins affectés toute une série de remèdes empiriques alors employés contre ce mal.

Le meilleur traitement se révèle être un mélange de jus d’agrumes, dont il publie les bienfaits dans un ouvrage en 1753... La marine mettra de nombreuses années avant de se ranger à ses recommandations, et la médecine aura besoin d’encore plus de temps pour comprendre le mécanisme biologique qui se cache derrière la découverte de Lind. Mais la vitamine C venait d’apparaître aux yeux de la communauté scientifique.

Aujourd’hui, même si on en trouve des quantités appréciables dans nombre de fruits et de légumes, elle est vendue comme un médicament. La liste de ses vertus supposées n’a cessé de s’allonger depuis James Lind: on lui prête la plus grande efficacité contre le rhume et la grippe, elle soutiendrait les capacités mentales, contrerait les effets du tabac chez les fumeurs ou préviendrait le cancer.

Cette dernière affirmation, défendue ardemment par le double Prix Nobel Linus Pauling dans les années 1970, avait provoqué quelques remous dans la communauté scientifique. Elle n’a jamais pu être confirmée. «Cet exemple illustre parfaitement le glissement qu’a progressivement connu la vitamine C, développe Thierry Buclin, chef du Service de pharmacologie clinique du CHUV. Entre le statut d’aliment auquel on prête des vertus miraculeuses et celui de médicament aux effets démontrés, la vitamine C semble concentrer tous les espoirs que les individus placent dans les bienfaits de Dame Nature.»

Il est instructif de constater que l’être humain fait partie des rares espèces incapables de synthétiser la vitamine C – comme le font la plupart des mammifères. Peut-être est-ce là ce qui incite nombre de parents à soumettre leurs enfants à de véritables cures de vitamine C!

Il n’est pas prouvé non plus qu’elle prévienne vraiment le rhume ou la grippe. «On sait que le manque de vitamine C fragilise les muqueuses envers l’infection, explique Thierry Buclin, et qu’en prendre peut alors corriger ce problème. Mais on ne peut pas en déduire qu’une dose régulière nous empêchera de tomber malade si on en reçoit assez via ce que nous mangeons!» Qu’on l’appelle aliment ou médicament, la vitamine C semble bien décidée à surfer sur la vague du succès.



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